Qui étaient nos ancêtres ?
déjà munis d’un de ces noms, lui ont ajouté celui de leurs terres, devenant ainsi Durand de Chalas ou Thomas de La Vesvre, quitte à jeter parfois rapidement le premier, peu utilisé, aux orties.
Très vite, dans les esprits, particule rima donc avec noblesse. Les bourgeois propriétaires d’une terre allongèrent systématiquement leur nom, et curés et hommes de loi, lorsqu’ils voulaient leur témoigner leur respect, n’hésitaient à les doter d’une « particule de courtoisie », faisant de M. Lambert « M. de Lambert ».
Il est d’autant plus délicat de distinguer particule et préposition que beaucoup de noms des familles roturières, formés à leur origine sur les noms des lieux qu’elles avaient habités, intégraient déjà une préposition – tels Delaunay, Dumarais ou Delamotte.
L’analphabétisme ambiant ignorant toute orthographe acheva de changer Delamotte en Motte, Lamotte ou de La Motte. Jusqu’à la moitié du XIX e siècle, le fait que cette préposition soit ou non détachée du nom n’a donc jamais rien signifié.
Ajoutons que bien des familles nobles n’ont jamais eu de préposition ni de particule, à commencer par la plupart des quelque trois mille anoblies sous l’Empire, comme les Murât ou les Suchet.
Cette particule fut cependant considérée comme le principal « signe extérieur de noblesse » et à ce titre recherchée par tous les moyens, y compris par l’acquisition, à prix d’or, des titres de comte romain décernés au XIX e siècle par le pape. Il en résulta une noblesse d’apparence, parfois qualifiée de « fausse noblesse », faisant que pour quelque 17 000 noms de famille authentiquement nobles sous Louis XVI, et alors qu’il en subsiste à peine 4 000 aujourd’hui (dont moins d’un sur dix remontant à l’an 1400), on recense plus de 15 000 noms de famille présentant ce prétendu signe extérieur de noblesse.
La particule nobiliaire n’a donc jamais existé et n’est qu’un mythe engendré par la République. Sous l’Ancien Régime, tout était très clair. Les nobles se distinguaient, dans les actes, par des qualifications propres : « écuyer » et « chevalier », « noble », « noble homme »… Et si des prépositions ont été « recollées » à l’époque de la Révolution, cela ne saurait nullement autoriser à y voir le moindre indice d’une origine noble.
Les nobles plus respectés et les plus enviés appartenaient à ce que l’on appelait la noblesse d’extraction , dite aussi immémoriale ou de race , à laquelle appartenaient les familles dont les lignées étaient les plus anciennes, comme les Gramont, les Choiseul, les Rohan, et toutes les grandes maisons du royaume, parfois connues depuis le X e siècle, comme les d’Harcourt ou les La Rochefoucauld. Leur appartenance à cet ordre n’était étayée par aucune preuve : aussi loin que l’on pouvait remonter leur filiation, leurs ancêtres étaient considérés comme tels. Cette catégorie se divisera en plusieurs strates : la noblesse d’extraction chevaleresque , dont l’origine était effectivement antérieure au XIV e siècle, celle d’extraction ancienne , remontant au XV e , et celle d’extraction simple , dont la filiation prouvée ne dépassait pas le XVI e .
On trouvait ensuite les familles de noblesse par anoblissement qui, contrairement aux précédentes, pouvaient fournir un acte formel attestant leur qualité, avec, là aussi, plusieurs sous-catégories selon qu’elles avaient été anoblies par lettres patentes , par charges ou par fonctions.
Les lettres patentes étaient des actes émanant des rois, qui avaient développé cette pratique après que Philippe le Hardi eut anobli son argentier et son barbier. Ils l’utilisèrent d’autant plus souvent qu’ils en retiraient de substantiels avantages pécuniaires et l’on passa de douze anoblissements de ce type octroyés en 1564 à plus de mille en 1576-77, à l’heure où les guerres de Religion épuisaient le Trésor. Sous Louis XIV, on enverra même des lettres « en blanc » aux intendants, qui les revendaient 6 000 livres (une fortune !) à qui voulait en bénéficier…
On entendait par charges anoblissantes les hauts emplois vénaux et patrimoniaux, qu’un homme aisé pouvait acheter et transmettre à ses descendants, quelles que soient leurs compétences et leur valeur. Selon qu’elles étaient exercées durant un certain temps ou par un certain
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