Qui étaient nos ancêtres ?
moindre indice de profession de la religion (ni médaille, ni croix, ni bible…), aux mécréants, bien sûr, et surtout aux pires de tous : les suicidés et, plus tard, les divorcés. Tous ces damnés sont quant à eux inhumés sans pitié dans un carré herbeux, profane, non bénit, souvent face contre terre. Dans certains villages de Champagne, les suicidés le sont même devant la porte du cimetière, afin que leur corps soit éternellement foulé aux pieds par les fidèles qui en franchiront le seuil.
Après la mort, en effet, la religion ne lâche pas les âmes. Peu assurées d’aller au Paradis, la plupart devant transiter par le purgatoire, toutes ont grand besoin, des années durant et le plus longtemps possible, de ses secours. Elle les leur apportera donc sous la forme de prières et de messes, particulièrement le jour anniversaire de leur mort, conclusion chrétienne normale de la vie et surtout jour où débute la vraie et éternelle vie, celle promise par Dieu, qui, après avoir pesé les âmes, saura les récompenser et ainsi – on l’espère bien – compenser la dureté de la vie terrestre.
Des années et des jours : en évitant le pire …
La vie : une suite d’années qui sont toutes, uniformément, du 1 er janvier à la Saint-Sylvestre, rythmées par la religion. En février, c’est la Chandeleur , la fête des chandelles, c’est-à-dire de la lumière qui renaît (les jours augmentent sensiblement) et de la nature qui se réveille. Suit le Carême : quarante jours de jeûne, ou du moins de repas maigres, de privations et d’abstinence, à la fois précédés et coupés de deux jours de défoulement : le Mardi gras et la Mi-Carême. Vient ensuite le temps de Pâques, ouvert par le dimanche des Rameaux, avec ses buis bénits protecteurs et purificateurs, et la semaine sainte, dite aussi semaine « noire », ou « peineuse », sorte de « super-Carême » avant que le Christ ne triomphe de la mort et, par sa résurrection pascale, ne revienne libérer les croyants. Le « joli mois de mai », dédié à la Vierge Marie, sera avant tout celui des pèlerinages. Il intègre l’Ascension, et souvent Pentecôte et la Fête-Dieu, autrefois largement fêtés, occasions de processions et de reposoirs dans les moindres villes et villages. Le 24 juin, jour du solstice d’été, sera le jour de la Saint-Jean-Baptiste, dite aussi « Saint-Jean-d’été » ou « Saint-Jean-le Bouillant », par opposition à la fête de saint Jean, l’apôtre, dite « Saint-Jean-d’Hiver », qui tombe le 27 décembre. C’est traditionnellement la fête des brandons et des feux de joie : l’année et la nature vont basculer. Après les mois des gros travaux, autour desquels la vie tout entière va tourner, l’automne va ramener la fête des Morts, le 2 novembre, puis la période de l’Avent, à son tour génératrice d’interdits, précédant un Noël évidemment sans sapin, jouets ni cadeaux, mais riche de traditions, à commencer par celles déjà liées à la bûche.
À toutes ces fêtes se rapportent des gestes et des coutumes qui rythment la vie quotidienne. Les fêtes du « mai », célébrées le premier jour de ce mois, ouvrent le temps des flirts. Les garçons du village vont déposer sur le seuil des jeunes filles à marier une branche ou un rameau d’arbre en rapport avec leur caractère : du houx pour une fille désagréable, du charme pour une fille charmante… Aux feux de la Saint-Jean, les couples seront formés et les plus engagés s’afficheront en tentant, à l’aube, de sauter à pieds joints au-dessus des braises fumantes.
Les fêtes des saints, inscrites au calendrier, scandent également la vie économique. C’est à la Saint-Jean-d’été que les maçons creusois rentrent au pays pour y faire leurs foins et leurs moissons, et que les domestiques vont aux « louées », sortes de foires aux hommes, où ils se proposent pour les travaux d’été. La Saint-Martin, le 11 novembre, est, dans bien des régions, le terme des fermages, quand ce n’est pas la Saint-Michel, le 29 septembre. Deux dates qui sont également souvent choisies, en région de montagne, par les hommes partant faire leur saison de sciage, de colportage ou de peignage de chanvre…
Tout au long de l’année, le prêtre bénit. À la Chandeleur, il bénit les chandelles que chacun rapporte à la maison pour tout y purifier et pour y être allumées à certains moments critiques, comme
Weitere Kostenlose Bücher