Remède pour un charlatan
m’occupe de ses membres inférieurs.
Raquel s’empressa de prendre un petit flacon dans son panier. Elle déposa quelques gouttes du contenu sur un linge humide et revint vers la tête du lit.
— Éloignez-vous de moi ! cria Lorens, le corps raidi. Aidez-moi ! Père céleste, aidez-moi !
Isaac posa les mains sur le ventre du malheureux et le massa doucement.
Raquel effleura ses lèvres avec le linge humide. Il frissonna et rejeta la tête en arrière. Elle recommença avant de remettre des gouttes sur le morceau d’étoffe. Il avala et se passa la langue sur les lèvres. Elle continua de verser du liquide et attendit sa réaction. Une minute. Puis deux. On eût dit qu’une heure s’était écoulée. Il émit alors un faible gémissement :
— Chassez-les loin de moi, je vous en supplie ! Je n’ai jamais trahi. Jamais. Je demanderai à mon père. Papa, aidez-moi !
Cette fois, Raquel fit directement couler le liquide sur sa langue et ses lèvres. Il avala dans une convulsion.
— Je ne parlerai pas, je le jure !
Il frissonna et chercha à éloigner les mains qui le tenaient fermement.
— Chassez-les loin de moi ! répéta-t-il dans un murmure.
Isaac sentit ses muscles se détendre, et le garçon récita à nouveau une prière.
— La douleur diminue pour le moment, dit-il. Et la terreur avec elle.
Berenguer prit le jeune prêtre par le bras et le fit sortir de la chambre. Il s’agenouilla au pied du lit et pria d’une voix forte pour que le malheureux puisse l’entendre malgré les tourments qu’il endurait. Isaac se pencha au-dessus de Lorens et posa la main sur son cou, puis l’oreille sur sa poitrine.
— Ils viennent me chercher. Je les vois, gémit Lorens. Mon père, ayez pitié – ils arrivent…
— Il n’y a rien de plus que nous puissions faire pour lui, Votre Excellence, dit Isaac. Et je le regrette profondément. Mais le tort lui a été causé bien avant que nous n’ayons entendu parler de son état.
— J’ai envoyé chercher son confesseur pour qu’il l’entende et le réconforte, dit Berenguer. Je crains qu’il n’arrive que pour les derniers sacrements.
Comme ils sortaient de la chambre, ils furent remplacés par un prêtre suivi d’un assistant portant un petit coffret de bois ciselé.
— Tout est fini, dit Berenguer d’un air triste. J’aurais tant aimé pouvoir faire quelque chose ! C’était un jeune garçon fort prometteur, et son père est un brave homme. Mais qu’entendiez-vous quand vous disiez que le tort était commis depuis déjà longtemps ?
— Votre Excellence, ce garçon a été empoisonné, comme l’ont été Marc et Aaron, je le crains. Quelque chose lui a été administré qui a gravement perturbé l’équilibre de ses humeurs, provoquant de terribles visions et des souffrances dans chaque partie de son corps. Comme vous avez pu vous-même le constater, il était tout raide. J’espérais que ces gouttes lui rendraient son équilibre, mais nous sommes arrivés trop tard, dit-il, la voix pleine de chagrin. J’ai demandé à Yusuf de chercher dans la chambre d’éventuelles traces de poison et, avec votre permission, j’aimerais qu’il termine. Même si cela peut paraître un peu macabre, avec le corps de ce garçon qui n’est pas encore froid.
— Je vais donner l’ordre qu’on ne touche à rien. Son corps sera emmené à la chapelle dès qu’il aura été lavé et préparé. Si vous pouvez attendre jusque-là, alors Yusuf pourra chercher aussi longtemps qu’il le souhaite.
Berenguer passa la tête dans la chambre et échangea quelques mots.
— Bien, c’est fait, dit-il. Allons dans la salle où les séminaristes se détendent et étudient, et asseyons-nous. Mon orteil goutteux n’a pas apprécié tout cela.
— Bien entendu. Raquel, es-tu voilée ?
— Oui, papa, je suis voilée, fit-elle, exaspérée mais s’efforçant de garder son calme. Pourquoi m’accusez-vous toujours de me pavaner en public ? Quoi qu’on ait pu vous dire, je n’ai pas l’habitude de sortir en cheveux.
— Et j’en suis fort aise, dit-il d’une voix douce.
— Isaac, mon ami, votre fille est parfaitement enveloppée – comme un fromage qu’on apporte au marché, confirma l’évêque. Soyez rassuré.
Raquel sourit derrière son voile.
— Maître Isaac, selon vous, de quoi ce pauvre jeune homme parlait-il ? Oh, je vous précise que nous sommes seuls, à l’exception de votre fille et de Yusuf, qui ne
Weitere Kostenlose Bücher