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Remède pour un charlatan

Remède pour un charlatan

Titel: Remède pour un charlatan Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Caroline Roe
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l’endroit où les filles dansent. Ils ne voient pas grand-chose. Tu t’en rendras compte par toi-même. Mon costume t’ira bien, tu as pratiquement ma taille.
    — Tu es plus grand que moi, beaucoup plus grand.
    — Mais nous ne serons pas ensemble, Yusuf. Je suis plus petit que toutes les filles sauf une. Toi aussi. C’est tout ce qui compte.
    — Et quand est-ce que cela doit avoir lieu ?
    — Demain. Après le coucher du soleil.
    — Je ne sais pas si mon maître me laissera m’absenter pour la soirée, fit Yusuf d’une voix faible.
    — Il n’en saura rien. Tu m’as dit toi-même que tu n’as aucun mal à sortir de la maison ou du Call.
    — Mais si quelqu’un est malade, il aura besoin de moi.
    — Tu ne seras pas parti longtemps, je te le promets. Je t’en prie, fais ça pour moi. Je ne supporte plus cette vie et si tu ne m’aides pas, je te le jure, je me tuerai.
    Yusuf sentit son estomac se nouer.
    — Où dois-je te rencontrer demain soir ?

CHAPITRE XIII
     
    Ce lundi-là, à l’heure où la plupart des habitants de Gérone avaient achevé leur dîner, la foire s’était agrandie au point de déborder sur la ville. Les camelots et les vendeurs de brimborions qui ne disposaient pas d’étal ou de charrette proposaient leurs marchandises sur les ponts et dans les rues. Oisifs, curieux et esprits crédules se rassemblaient partout où jongleurs, acrobates, magiciens et diseurs de bonne aventure exhibaient leurs talents. L’air vibrait du son des chalumeaux, des tambourins et des instruments à cordes qui jouaient chacun dans leur coin et attiraient leurs propres admirateurs. Tous ceux qui vivaient à un jour de marche de la ville étaient là, trouvant un lit chez un oncle, un cousin éloigné, un ami de la famille négligé depuis longtemps. Et partout, les tavernes ne désemplissaient pas.
    Vu le bruit et l’agitation, personne ne sut exactement comment naquit la rumeur. Après coup, certains dirent qu’elle avait été portée en ville par un certain Jaume, un marchand de Barcelone, arrivé l’après-midi même. Quand ledit Jaume fut retrouvé et interrogé, il nia farouchement avoir entendu une telle chose et nia tout autant avoir raconté de telles inepties à qui que ce soit. D’autres prétendirent que l’affaire avait été révélée par une voyante dotée de pouvoirs magiques ; cette théorie fut encore plus difficile à étudier car, dès que la voyante en eut vent, elle remballa son attirail et disparut. Après une enquête approfondie, une seule chose se révéla certaine. À l’heure où le soleil se couchait sur la ville, chacun savait que l’infant Johan, duc de Gérone, qui à trois ans était l’héritier chéri du trône d’Aragon, avait été ensorcelé et que sa santé déclinait. S’il mourait, la guerre civile éclaterait et les détruirait tous.
    — Et Joana, la femme de Romeu Rains, le menuisier, a fait une fausse couche, dit une femme non loin du pont. Je viens droit de chez elle. Une fausse couche, oui, sans la moindre raison.
    — Peut-être qu’elle a été approchée par une sorcière, suggéra la personne qui se tenait à côté d’elle.
    — Je ne vois pas comment ça pourrait être autrement, répliqua la première femme.
    Le temps de se rendre d’un pont à un autre, tout le monde savait que trois honnêtes femmes avaient été abordées par des sorcières alors qu’elles s’en revenaient de la messe dominicale. Cela s’était passé à l’ombre même de la cathédrale, et elles avaient fait des fausses couches. Un fermier assis devant un gobelet de vin se mit alors à parler de sa vache qui avait perdu son veau, et un autre d’une truie grasse et saine dont les neuf porcelets étaient mort-nés, sans préciser que cette tragédie était survenue quatre années plus tôt.
    — Y a qu’à pendre ces sorcières ! s’écria un tailleur de pierre aviné, qui déboulait d’une taverne du quartier sud de la ville et, aveuglé par le soleil, cherchait autour de lui une sorcière à pendre. Faut les pendre, je vous dis !
    Ces mots embrasèrent la foule comme un feu de paille. Des réponses fusèrent, et une horde quitta les tavernes, excitée par la perspective de passer enfin à l’action.
    La première victime fut Guillema, dont les cheveux bruns enduits de henné, le visage maquillé et la robe à demi délacée indiquaient clairement la profession. Elle déambulait près de la rivière, non loin de la porte sud, quand la

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