Remède pour un charlatan
de Romea. Marieta tendit la main, mais Nicholau fut plus rapide.
— Voyons d’abord la fille, dit-il en laissant sa main posée sur les pièces.
Son beau-père avait été très clair sur ce point : « Cette femme va essayer de nous donner quelque fille de cuisine. C’est pourquoi Yusuf doit vous accompagner. Seuls Raquel et lui l’ont vue. Et je ne puis laisser Raquel entrer dans cette maison. »
— Vous ne me faites pas confiance, dit Marieta.
— C’est possible. Voyons la fille.
Marieta lui lança un regard noir et quitta la pièce.
— Yusuf, dit Nicholau, quand cette esclave arrivera, si c’est bien celle que mon beau-père me demande d’acheter, garde le silence. Si ce n’est pas elle, dis quelque chose, n’importe quoi.
Avant que Yusuf pût répondre, la porte s’ouvrit à nouveau et Marieta entra, poussant une femme voilée devant elle.
— Dévoilez-la, ordonna Nicholau.
Marieta s’exécuta, révélant une jeune fille à la mine chafouine, la danseuse qui avait trébuché pendant la cérémonie.
— Il fait un peu froid, dit Yusuf en se tournant vers la cheminée.
— Cette fille est peut-être à vendre, reprit Nicholau en récupérant ses pièces, mais ce n’est pas Romea.
Il fit sauter les pièces dans sa main.
— Mon mandant a entendu d’étranges choses à propos de votre établissement, des choses qui pourraient être d’un grand intérêt pour les gardiens de la loi. Ce qui s’est passé ici pourrait vous valoir une belle amende, à vous et à vos clients. Je pense que cela n’arrangerait pas vos affaires si vous étiez traînée devant un tribunal. Désirez-vous que je dresse la liste de ce qu’il a entendu ?
— Vous ne m’impressionnez pas, avec vos menaces ! lança Marieta. Va-t’en, Caterina, va aider à la cuisine. Ce sera sûrement mieux que quand tu danses.
Caterina leur adressa un regard furibond et passa la porte. Le tumulte qui agitait la maison avait cessé, et un silence oppressant le remplaçait.
Nicholau attendit que la porte fût bien refermée.
— Mon mandant n’est pas un homme très indulgent, poursuivit-il. Et pour quelque raison qui m’échappe, il semble déterminé à avoir cette Romea. Quand je lui expliquerai comment vous avez tenté de l’escroquer, à deux reprises en fait, je pense qu’il sera très en colère. Et il a de puissants amis dans le diocèse.
Il s’arrêta un instant pour lui donner la possibilité de répondre à cela.
— Je suggère que vous nous ameniez Romea et que vous acceptiez la somme généreuse qu’il vous propose… avant que je ne sois contraint de m’en retourner et de lui expliquer pourquoi je ne ramène pas la fille avec moi.
Marieta s’approcha de la fenêtre et regarda dans la rue. Elle haussa les épaules et quitta à nouveau la pièce pour revenir presque aussitôt en compagnie de Romea. La fillette titubait. Elle avait les mains liées, son visage était meurtri et sa robe déchirée ; ses cheveux tombaient, défaits, sur ses épaules.
— S’il la veut autant que ça, eh bien, qu’il la prenne !
Romea leva les yeux et vit un étranger au visage sévère et au regard froid. Après un instant de silence, Nicholau tendit les pièces à Marieta et empoigna la fille par le bras comme s’il s’attendait à ce qu’elle parte en courant.
— Mon mandant exige un acte de vente en bonne et due forme, au cas où vous chercheriez encore une fois à le tromper. J’en ai préparé un. Vous n’avez qu’à le signer ou à apposer votre marque. Holà, toi, occupe-toi de cette fille, et si tu tiens à ta peau, ne la laisse pas s’échapper !
Il poussa Romea vers Yusuf.
Elle faillit tomber, puis elle se reprit et découvrit enfin Yusuf, dissimulé dans la pénombre de l’âtre. Elle éclata alors en sanglots de soulagement.
— Ah, tu peux pleurer, bonne à rien ! Je t’avais dit que si tu ne te tenais pas bien, je te vendrais à quelqu’un qui saurait t’apprendre à vivre ! cracha Marieta.
Elle s’approcha d’une petite table sur laquelle étaient posés un encrier et une plume.
— Et je sais signer de mon nom. Je n’ai pas besoin de faire une croix.
— Je dois commencer par inscrire le montant de la somme qui a changé de mains, dit Nicholau en prenant le papier sur lequel il porta le chiffre de sa plus belle écriture.
— Je m’excuse d’avoir pleuré. Je croyais que vous veniez de la part de Sancho, dit Romea dès qu’ils furent sortis de la
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