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Retour à Soledad

Retour à Soledad

Titel: Retour à Soledad Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Maurice Denuzière
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aussi leur ressemblance, lui souffla Charles, devinant la pensée de la puritaine.
     
    – Je n'ai pas encore vu vos charmantes filles, s'étonna Fish Lady.
     
    – Vous ne les verrez pas, lady Lamia. Monsieur le Pasteur et moi-même avons décidé de les envoyer faire leurs études chez les Dames de Sion, dans le Massachusetts. Ces dames ne sont pas protestantes, mais dispensent une excellente éducation œcuménique aux jeunes filles chrétiennes qui seraient tentées de se laisser aller aux futilités mondaines et d'écouter les sornettes des libertins.
     
    – On ne peut que regretter l'absence de ces demoiselles, fit Carver.
     
    – Elles nous manquent beaucoup, mais il devenait nécessaire de les éloigner de Soledad, proclama Margaret Russell de sa voix claironnante, comme un défi à la société insulaire, tout en jetant un regard acéré à Malcolm Murray.
     
    Absorbé dans la contemplation d'un paysage de Constable depuis toujours suspendu dans le grand salon de Cornfield Manor, l'architecte feignit de n'entendre pas la diatribe. Quand la femme du pasteur fut entraînée vers le buffet par les Weston Clarke, il rejoignit Charles.
     
    – J'imagine la question que suscite dans votre esprit pervers la confidence quasi publique de Margaret Russell, murmura Malcolm, gouailleur.
     
    – Je porte toujours intérêt à vos entreprises, quelles qu'elles soient, mon ami, répliqua Charles sur le même ton.
     
    – Eh bien, sachez, mon cher, que j'ai amené les deux sœurs Russell dans mon atelier. Je leur ai d'abord montré une reproduction du Concert champêtre , de Giorgione, un tableau de 1510 sur lequel deux demoiselles grassouillettes figurent dans le costume d'Ève, près de deux musiciens, et je leur ai dit : « Je veux vous peindre ainsi. » Elles se sont aussitôt mises nues, avec une innocente célérité, me permettant, sous prétexte de leur faire prendre la pose, les attouchements les plus familiers. Les joues écarlates, le souffle court, elles s'enflammaient sous mes doigts, presque défaillantes, prêtes à tout, offertes avec franchise au plaisir dont elles ne savaient rien mais voulaient manifestement tout apprendre.
     
    – En somme, vous avez gagné votre pari ! dit Charles.
     
    – J'aurais pu. Mais quand j'ai compris, en les voyant couvrir de la main leur nombril, qu'elles croyaient que c'était par là que se faisaient et que sortaient les enfants, j'ai, en me retenant de rire, renoncé à toute entreprise. Professoral en diable, je les ai dessinées à la sanguine, assez bien, ma foi, enlacées sur mon canapé. Et je leur ai offert le carton en souvenir. Le soir même, ces dindes ont montré mon œuvre, un tantinet saphique, je le reconnais, à papa et maman. Le lendemain, les Russell prenaient le bateau-poste avec leurs poulettes pour les embarquer à Nassau sur un paquebot de la Cunard, à destination de New York. Inutile de vous dire que, depuis ce jour, les Russell me battent froid, d'autant plus qu'ils ont su qu'Otillia, comme toujours informée par mes soins de l'aventure, avait beaucoup ri !
     
    – Ainsi, vous venez de parfaire votre sulfureuse réputation, constata Charles, plus amusé que scandalisé.
     
    – Je regrette de m'être montré si gentleman avec ces deux perruches. Je suis certain que, plus tard, elles me tiendront rigueur de les avoir respectées, conclut Murray.
     
    Pibia annonça, de sa voix de chambellan formé à Belgravia : « Sa Seigneurie est servie. »
     
    Alors que tous se préparaient à se rendre à la salle à manger en cortège, lord Simon ayant offert son bras à Margaret Russell, la plus âgée de ses invitées, Charles et Malcolm constatèrent que leurs épouses respectives avaient disparu. Le maître de maison interrompit sa marche et se retourna, sourcils froncés, vers ses gendres.
     
    – Où sont-elles donc passées ? demanda-t-il avec humeur.
     
    Attaché au protocole, il n'admettait pas, à un tel moment, une absence si désinvolte.
     
    On cessa de s'interroger quand une porte communiquant avec le petit salon s'ouvrit et que l'on vit reparaître les deux femmes. Nés de la surprise générale, des applaudissements spontanés crépitèrent pour saluer ce que tous prirent pour une charmante espièglerie : Ottilia et Ounca Lou, ayant échangé leurs robes et leurs bijoux, se présentaient, rieuses et minaudantes, comme deux pensionnaires enchantées de la farce.
     
    – Cela prouve au moins qu'elles ont les

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