Robin
sentiers – des pistes utilisées par des cerfs et des cochons
sauvages, et même la trace d’un vieux charbonnier –, ils étaient si
entrelacés, enchevêtrés, se croisant l’un l’autre, faisant des demi-tours pour
mieux se recroiser, qu’il ne parvint qu’à se désorienter un peu plus.
Il se déplaçait de manière plus
réfléchie à présent, utilisant les mousses sur les arbres pour garder son cap.
S’il continuait droit au nord, pensait-il, il finirait bien par atteindre les
hautes landes dégagées qui bordaient les montagnes. Ne restait plus qu’à
s’extirper de ces bois.
Le matin passa, sa marche se
poursuivit sous un soleil de plomb et son estomac commença à se manifester.
Comment avait-il fait pour oublier de prendre des provisions ? Des mois
passés à réfléchir à son évasion, et maintenant que le jour était venu, il
découvrait consterné à quel point sa préparation avait été légère. Il n’avait
rien à manger, pas d’eau, pas d’argent, pas même la moindre idée de la
direction à prendre. Regardant le bâton dans sa main, il s’étonna d’avoir pensé
à l’emporter.
Eh bien, il trouverait toujours de
quoi se sustenter à la première ferme venue – pour peu qu’il parvienne à
sortir de cette damnée forêt. Après avoir épaulé sa perche, il reprit
péniblement sa marche, sa faim croissante s’ajoutant au fardeau de son cœur
tourmenté
CHAPITRE 26
C’était déjà suffisamment difficile
d’assister impuissant à la destruction pierre par pierre de son monastère
bien-aimé, mais l’asservissement tacite de son peuple était plus qu’il n’en
pouvait supporter. Les hommes et les femmes de l’Elfael peinaient comme des
bêtes de somme – à creuser les fossés défensifs, à construire les remparts
de terre, à transporter la pierre et le bois d’œuvre nécessaires à l’érection
des places fortes du baron, à abattre des constructions, à nettoyer les gravats
et à récupérer des matériaux pour la ville. Depuis les premières lumières du
jour jusqu’aux dernières lueurs du soir, ils trimaient pour le baron. Puis, la
plupart du temps, ils rentraient chez eux pour travailler leurs champs à la lumière
de la lune quand elle brillait, à celle des torches et des feux de camp s’il le
fallait.
L’évêque s’apitoyait sur eux. Quel
choix avaient-ils ? Refuser d’obéir au comte signifiait la perte d’une
autre ferme – une perspective qu’aucun d’entre eux ne pouvait supporter.
Aussi travaillaient-ils en murmurant à voix basse des imprécations contre les
étrangers ffreincs.
Ce n’était pas ainsi que les choses
auraient dû se passer. Lui et le comte avaient un accord, un arrangement.
L’évêque avait respecté sa part du marché : il avait livré de bonne foi le
trésor du roi de l’Elfael à de Braose, ne lui avait opposé aucune résistance et
avait exhorté ses ouailles à en faire de même ; il avait accepté le
Ffreinc comme nouveau suzerain de l’Elfael et s’était fié à lui pour agir au
mieux des intérêts de la population sous son autorité. Mais de Braose ne
respectait pas la sienne. Ses troupes prenaient ce qu’elles voulaient et se
comportaient selon leur bon plaisir, sans la moindre pensée pour les Cymry qui
dépérissaient à présent sous leur règne.
Cela ne pouvait durer. Les maigres
vivres restant de l’hiver précédent disparaissaient à vue d’œil, et en certains
endroits de la vallée les Cymry venaient à manquer de nourriture. Il fallait
faire quelque chose, et avec la mort des deux ap Brychan – le roi et son
héritier –, la tâche lui incombait.
Ayant rejoint frère Clyro dans la
chapelle, il annonça : « J’ai décidé de parler au comte de Braose. Je
veux que vous restiez dans la chapelle et que vous me souteniez devant le Trône
de Miséricorde.
— Pour quoi voulez-vous que je
prie, mon père ? demanda le vieux frère Clyro. Pour que Dieu fasse cesser
l’oppression dont nous sommes victimes, ou pour qu’il emplisse le cœur de nos
oppresseurs d’une irrépressible envie de paix ? » Pointilleux et sans
imagination, avant tout un scribe et un érudit, on pouvait compter sur lui pour
suivre des instructions à la lettre, mais, comme toujours, il insistait pour
connaître la nature précise desdites instructions.
« Priez pour que le cœur du
comte s’adoucisse, soupira l’évêque contraint de se prêter à l’exercice, et
pour qu’assez de nourriture
Weitere Kostenlose Bücher