Robin
expliquer la
situation à la population, proposa Bran. Nous lèverons un impôt pour obtenir la
somme demandée.
— Ça risque de ne pas être si
simple, avertit frère Ffreol. Si par quelque miracle vous réussissiez à vider
chaque poche, chaque bourse, chaque cruche de l’Elfael, vous n’obtiendriez
guère plus de cent marks supplémentaires. »
À sa grande consternation, Bran se
rendit compte que Ffreol disait vrai. Lord Brychan était l’homme le plus
fortuné des trois cantrefs alentour, et jamais il n’avait possédé plus de trois
cents marks d’un coup, même dans ses périodes les plus fastes.
Six cents marks. Le cardinal Ranulf
aurait tout aussi bien pu leur demander la lune ou un panier d’étoiles. Il
avait autant de chances d’obtenir l’un ou l’autre.
Refusant de succomber une fois de
plus au désespoir, Bran éperonna sa jument qui accéléra aussitôt l’allure.
Bientôt il galopait à travers les ombres grandissantes de la forêt, filant
comme un éclair le long de la route. L’air frais du soir fouettait son visage.
Au bout d’un moment, sa monture commença à montrer des signes de fatigue, aussi
la fit-il stopper au gué suivant. Il glissa au sol et mena la jument le long du
courant jusqu’à un endroit où elle put s’abreuver. Les deux mains en coupe,
lui-même but quelques gorgées d’eau et passa ses doigts mouillés à l’arrière de
son cou. L’eau calma un peu son humeur. Il ferait bientôt nuit,
remarqua-t-il ; les ombres s’allongeaient déjà et le silence gagnait la
forêt à l’approche du soir.
Le jeune homme était toujours
agenouillé au bord de la rivière, occupé à contempler la forêt dans
l’obscurité, quand Ffreol et Iwan finirent par le rejoindre. Ils mirent pied à
terre et conduisirent leur monture jusqu’au courant. « Une belle poursuite,
dit Ffreol. Je n’ai pas fait une telle chevauchée depuis ma jeunesse. » Il
s’accroupit aux côtés de Bran et posa une main sur l’épaule du jeune homme.
« Nous finirons par trouver un moyen de lever l’argent, Bran, n’ayez
crainte. »
Le prince hocha la tête.
« Il va bientôt faire nuit,
fit remarquer Iwan. Nous n’atteindrons pas Caer Cadarn ce soir.
— Nous nous arrêterons au
prochain endroit accueillant que nous trouverons », dit Bran.
Il commençait déjà à monter en
selle quand Ffreol intervint : « C’est l’heure des vêpres. Venez vous
joindre à moi, tous les deux ; nous poursuivrons notre route après avoir
prié. »
Ils s’agenouillèrent auprès du gué,
puis Ffreol leva les mains en disant :
Je fléchis le genou
Devant le Père qui m’a créé,
Devant le Fils qui m’est venu en
aide,
Devant le Saint-Esprit qui marche à
mes côtés,
En m’offrant Sa compagnie et Son
affection.
Par Ton pouvoir consacré, ô Seigneur,
Accorde-nous l’abondance…
Au son de la voix de frère Ffreol
qui allait se perdre au-dessus de la rivière, l’esprit de Bran commença à
vagabonder. Un sifflement de mise en garde le ramena bien vite sur terre.
« Écoutez ! » Iwan leva la main pour imposer le silence.
« Vous avez entendu ça ?
— Je n’ai rien entendu d’autre
que le son de ma propre voix », répondit le prêtre. Il ferma les yeux et
reprit sa prière. « Accorde-nous cette nuit ta paix…»
Un cri s’éleva derrière eux :
« Halte* ! »
Les trois compagnons se relevèrent
aussitôt comme un seul homme. Quatre marchogi ffreincs se tenaient sur la route
derrière eux. Armes tirées, les soldats avançaient dans la pénombre avec
méfiance.
« Filons d’ici ! s’écria
Iwan en se précipitant vers son cheval. Vite ! »
Son cri mourut dans sa gorge, car
cinq marchogi supplémentaires sortirent alors de la forêt alentour pour couper
leur fuite. Leurs lames brillaient faiblement dans l’obscurité. Malgré ses
blessures, Iwan était prêt à courir le risque de les défier, mais Ffreol l’en
empêcha : « Iwan ! Non ! Ils vont vous tuer !
— C’est ce qu’ils ont
l’intention de faire de toute façon, répliqua négligemment le guerrier. Nous
devons nous battre.
— Non ! » Ffreol le
retint de la main et le tira en arrière. « Laissez-moi leur parler. »
Avant qu’Iwan ne puisse protester,
le moine avança posément jusqu’aux chevaliers. « Pax vobiscum ! Que la paix soit avec vous ce soir. S’il vous plaît, rangez vos épées. Vous
n’avez rien à craindre de nous. »
L’un des Ffreincs
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