Robin

s’affairaient nerveusement sur les nœuds de sa ceinture.
« Et ils vous auraient simplement laissé partir ?
    — Le comte pense que je suis
un noble. »
    Le visage flétri d’Asaph se plissa
d’incompréhension. « Mais vous êtes noble.
    — Je lui ai menti, mais il a
refusé de me croire.
    — Qu’allez-vous faire ?
    — J’ai accepté de lui
rapporter vingt marks en échange de ma liberté. Je lui ai donné ma parole
d’honneur, sans quoi il ne m’aurait jamais laissé partir.
    — Il faut aller chercher
Ffreol, murmura l’évêque en se dirigeant vers la porte de la chapelle. Nous
devons retrouver son corps et…
    — Vous m’avez
écouté ? » Bran agrippa fermement l’épaule de l’évêque et le força à
se retourner. « Je vous ai dit que j’avais besoin de l’argent.
    — La rançon, oui… De quelle
somme avez-vous besoin ?
    — Vingt marks en argent,
répéta Bran avec impatience. Où avez-vous rangé le coffre-fort de mon
père ? Il devrait y avoir plus qu’assez dans son trésor pour payer…» La
soudaine expression d’anxiété sur le visage de son interlocuteur l’arrêta net.
L’évêque détourna le regard.
    « Le coffre-fort, Asaph,
articula Bran d’une voix tendue. Où est-il ?
    — Le comte de Braose l’a emporté,
répondit l’évêque.
    —  Quoi ? Vous
étiez supposé le cacher !
    — Ils sont venus ici, le comte
et une partie de ses hommes, pour nous demander si nous avions un quelconque
trésor, expliqua l’homme d’église. Ils le voulaient. Je n’ai eu d’autre choix
que de le leur donner.
    — Imbécile ! éructa Bran.
Au nom de tout ce qui est saint, pourquoi avez-vous fait ça ?
    — Bran, je ne pouvais pas leur
mentir, répondit Asaph avec une indignation grandissante. Le mensonge est un
péché vénal. L’amour dans le cœur, la vérité aux lèvres, telle est notre règle.
    — Vous le leur avez donné  ? »
Bran foudroya du regard l’ecclésiastique moralisateur. « Vous avez signé
mon arrêt de mort ; j’espère que vous le savez.
    — Je pensais que…
    — Écoutez-moi, espèce de vieux
bouc, cracha Bran. Je dois payer ma rançon à de Braose avant le coucher du
soleil, ou on me pourchassera et on m’exécutera. Où vais-je trouver l’argent à
présent ? »
    Impénitent, l’évêque leva un doigt
en direction du ciel. « Dieu y pourvoira.
    — Il l’a déjà fait !
gronda Bran. L’argent était ici, et vous les avez laissés le
prendre ! » Grognant de frustration, il se dirigea avec raideur vers
la porte ouverte de la chapelle, puis se retourna sans crier gare. « J’ai
besoin d’un cheval.
    — Ça va être difficile.
    — Peu m’importe. À moins que
vous ne souhaitiez me voir mort demain à la même heure, vous allez
immédiatement me trouver un cheval. Vous m’avez bien compris ?
    — Où comptez-vous aller ?
    — Vers le nord, répondit Bran
avec fermeté. Ffreol serait encore en vie, et moi en sécurité là-bas si nous ne
vous avions pas écouté. »
    L’évêque baissa la tête, acceptant
le reproche.
    « Les parents de ma mère se
trouvent à Gwynedd. Quand je leur aurai expliqué ce qui s’est passé ici, ils
m’accueilleront sans hésiter. Mais j’ai besoin d’un cheval et de provisions
pour le voyage.
    — L’abbaye de Saint Emin
dessert les cantrefs du nord, fit observer l’évêque. Si vous avez besoin
d’aide, vous pourrez faire appel à eux.
    — Contentez-vous de me fournir
un cheval, ordonna Bran en prenant sans ménagement l’évêque par le bras pour
l’emmener hors de la chapelle.
    — Je vais voir ce que je peux
faire. » L’évêque le suivait en secouant la tête. « Pauvre Ffreol,
murmura-t-il. Nous devons aller réclamer son corps pour pouvoir l’enterrer
parmi ses frères. »
    Bran, qui marchait à ses côtés,
pressait le vieil homme d’église de hâter le pas. « Oui, bien sûr,
convint-il. Vous devez réclamer son corps, évidemment. Mais commençons par le
cheval, sans quoi vous aurez à creuser deux tombes demain. »
    L’évêque hocha la tête et accéléra
l’allure. Bran le regarda quelques instants puis se rendit dans la petite loge
réservée aux invités à côté des portes. Il fouilla des yeux la cellule presque
vide ; dans un coin se trouvait un lit de paille recouvert d’une peau de
mouton. Il traversa la pièce, s’étendit sur la couche, épuisé par
l’accumulation des événements de ces derniers jours, ferma les