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Romandie

Romandie

Titel: Romandie Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Maurice Denuzière
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on appellera la banque
Banque Laviron, Cottier, Cornaz et compagnie. Le matin, j’assisterai au
chapitre, dit-elle, enthousiaste.
    Axel Métaz nota que la jeune fille usait déjà du terme par
lequel les associés désignaient la réunion du matin, au cours de laquelle ils
décidaient, entre eux et sans témoins, des arbitrages.
    Imaginer sa filleule en banquière, sans doute la première
femme dans cette profession, à Genève, lui parut de la plus haute fantaisie.
    Dans trois ans, elle aura changé d’avis, de goûts », se
dit-il, pour se rassurer. « Elle sera peut-être même mariée et mère de
famille », pensa-t-il encore, cette fois avec un certain déplaisir.
    Pendant que le banquier traversait le salon pour tirer le
cordon qui convoquait les domestiques, Alexandra prit son parrain par le cou, lui
donna un baiser sur la tempe et lui murmura à l’oreille.
    — Si tu m’emmenais, demain, pique-niquer à Mon-Repos ?
On serait tous les deux. Tu verrais la belle demeure à l’italienne que les
Anglais nomment Perle du lac [126] et que tous les
Genevois admirent. Elle a été construite pour M. Bartholoni, le grand
financier. C’est lui qui a fondé le conservatoire de musique et j’ai joué
devant lui, il y a peu. Il fait si beau, et puis j’ai quelque chose à te
montrer, ajouta-t-elle, câline.
    Axel consentit et Alexandra disparut, tandis que le valet
entrait avec un plateau pour servir l’apéritif.
    — Que fait-elle de ses journées, depuis qu’elle a
achevé ses études à l’École supérieure de jeunes filles ? demanda Axel à
Pierre-Antoine.
    — Vous savez que le Collège et l’Académie ne reçoivent
que des garçons. Alors, les filles qui veulent devenir savantes doivent trouver
à s’instruire seules ou presque. Alexandra a un précepteur, professeur de
philosophie et d’esthétique à l’Académie. Ce cumul est possible depuis que la
loi sur l’Académie de Genève a ôté à la vénérable Compagnie des pasteurs toute
influence sur l’instruction publique. Ce professeur guide donc ses études et organise
des rencontres avec les maîtres les plus qualifiés dans les matières que votre
filleule veut posséder à fond, les mathématiques, la haute comptabilité, ce qu’on
appelle aujourd’hui la géographie politique, les sciences, qui apportent le
progrès etc. Certains de nos savants donnent aussi des cours publics, comme
Marc-Auguste De la Rive, le physicien, ou Alphonse de Candolle, botaniste comme
son père, notre célèbre Augustin Pyramus. Alexandra ne manque pas un cours, non
plus que les conférences de la Société de Lecture. Et puis, elle a son piano. Elle
lui consacre trois heures chaque jour. Elle ne va plus au conservatoire que
pour chercher des partitions ou visiter ses anciens professeurs qui avouent, eux-mêmes,
n’avoir plus rien à lui apprendre, expliqua avec fierté Pierre-Antoine.
    — Et comment se distrait-elle ? voulut encore
savoir Axel.
    — Elle recherche peu les distractions, sinon les
concerts et l’opéra, quand on en donne. Elle aime courir la campagne, monter au
Salève et se baigner aux bains de l’Arve avec Zélia, qui lui apprend à jouer du
couteau comme un apache, sous prétexte qu’une jeune fille doit pouvoir défendre
elle-même sa vertu ! Et puis, comme c’est la coutume dans nos familles, Alexandra
a sa société du dimanche. Elle reçoit ici ses amies, des jeunes filles dont
nous connaissons bien les parents. Ces demoiselles jouent des comédies, font de
la musique, déclament des poèmes, parlent anglais, boivent du thé et de l’orangeade
et, j’imagine, échangent des confidences sur d’éventuels prétendants, compléta
le banquier.
    Le même soir, pendant le dîner auquel plusieurs amis des
Laviron, agents de changes, juristes, membres du Conseil représentatif, avaient
été conviés, on abandonna vite le sujet de l’impôt sur la fortune pour aborder
un thème plus inquiétant : l’augmentation constante du nombre des catholiques
et des étrangers dans le canton de Genève.
    — Le jour est peut-être proche, dit un avocat connu
pour son attachement à l’Église nationale, où nous serons en minorité dans ce
qu’on ne peut déjà plus nommer la Rome protestante.
    — Et cet afflux continu d’étrangers est tout à fait
gênant. Quand on traverse la ville, nous ne voyons que des figures qui ne sont
pas d’ici et n’entendons que des langues impossibles à reconnaître, jeta M me

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