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Romandie

Romandie

Titel: Romandie Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Maurice Denuzière
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 Laviron.
    — Il y a deux ans, Marc-Antoine Fazy-Pasteur a proposé
au Conseil représentatif un moyen de contrecarrer l’établissement des étrangers,
de protéger nos traditions qui se perdent, mais sa proposition est restée
lettre morte, constata une dame.
    — Seul, Alphonse de Candolle a eu le courage de dire à
haute voix au Conseil représentatif ce que tous les Vieux-Genevois pensent, rappela
un membre de cette institution.
    — Ah ! et qu’a-t-il dit ? demanda Axel, intéressé.
    — Sa phrase s’est gravée dans mon esprit, monsieur. Il
a dit : « Nous recrutons trop vite une population étrangère, qui ne
nous convient pas dans toutes ses parties, qui ne s’amalgame pas assez avec les
nationaux, qui nous jette dans une telle augmentation de délits et de
paupérisme, et qui nous fait payer quelques avantages matériels par un abaissement
de force intérieure et par un obstacle au développement intellectuel. » N’a-t-il
pas raison ? conclut le magistrat.
    L’approbation fut générale et on tomba d’accord pour que les
autorités genevoises choisissent désormais les immigrants en fonction de leur
comportement. Après maintes considérations, il fut admis que les Suisses venus
d’autres cantons et les Allemands étaient des gens acceptables ; en
revanche, il fallait tout faire pour décourager Savoyards et Français de s’installer
à Genève !
    Axel Métaz, bien que Vaudois, connaissait l’histoire de la
république de Genève. Il eut envie de rappeler que ce furent autrefois des
étrangers, les huguenots français notamment, qui initièrent les Genevois à l’horlogerie
et fondèrent la Fabrique, que des huguenots lombards créèrent des banques, tandis
que des huguenots savoyards enseignaient la vinification aux vignerons romands.
Mais Axel se tut, peu soucieux d’allumer une controverse sous le toit de ses
amis.
    Il se rendait à l’appartement qu’il occupait maintenant chez
les Laviron lors de ses séjours à Genève, quand une porte s’ouvrit sur son
passage. Alexandra, en robe d’intérieur, apparut sur le seuil de sa chambre.
    — Tout à l’heure, parrain, je t’ai promis de te montrer
quelque chose. Veux-tu venir un instant.
    — Ce n’est pas une heure chrétienne pour rendre visite
à une jeune fille, dit-il en entrant néanmoins dans la pièce.
    M me  Laviron avait tenu à ce qu’Alexandra,
« que Juliane eût aimée comme une petite sœur », occupât la chambre
de sa défunte fille. Par un étrange lapsus, depuis l’installation de la jeune
fille dans cette pièce contiguë à la salle d’études, la femme du banquier s’était
surprise plusieurs fois, et non sans émotion, à appeler Juliane la filleule d’Axel.
Anaïs, larmes aux yeux, s’était confessée à son mari de cette usurpation
inconsciente qui la troublait profondément. Puis elle avait pris l’habitude, chaque
fois que la chose arrivait, d’aller au cimetière mettre des fleurs fraîches sur
la tombe de sa fille « pour se faire pardonner sa confusion ».
    Alexandra, traitée comme la fille de la maison, jouissait d’un
parfait bien-être et portait une affection sincère à ses parents adoptifs, évitant
avec tact de trop s’immiscer dans les souvenirs de leur défunte fille.
    Quelques jours avant la visite d’Axel, Anaïs Laviron, grave
et cérémonieuse, avait remis à Alexandra les livres, des cahiers et des notes
de travail de Juliane. « Puisque tu fais les mêmes études qu’elle, cela
pourra te servir », avait-elle commenté.
    Après avoir, en guise de préambule, rapporté ce qui précède
à son parrain, Alexandra prit sur un guéridon un grand album, qu’elle ouvrit
aussitôt.
    — Vois ce que j’ai trouvé dans l’herbier de Juliane, que
Manaïs m’a donné pour le continuer, dit-elle en tendant le livre ouvert à Axel.
    Sur le feuillet présenté, il vit, fixées par une faveur, des
fleurs séchées et reconnut aussitôt l’écriture de Juliane : « Pétales
de la rose qu’Axel m’a offerte, à Vevey, le 19 avril 1828, jour où j’ai
été marraine de la grande barque qui porte mon nom. Comme j’aurais voulu, ce
jour-là, partir sous la voile latine, seule avec lui, pour une longue navigation. »
    Sans un mot, Alexandra tourna la page et désigna la suivante.
Là encore, sous une autre fleur, Juliane avait écrit : « Renoncule
cueillie, le 11 juin 1831, aux Pâquis, le jour où Axel et moi, revenant de
chez M. de Sellon, nous sommes

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