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Romandie

Romandie

Titel: Romandie Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Maurice Denuzière
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Je n’oserais jamais jouer ça devant lui mais, devant mon professeur
ordinaire, peut-être. M. Wolff est très gentil.
    Alexandra se mit au piano de Charlotte. Avec application et
sensibilité, elle tenta de rendre aux auditeurs les sonorités estompées des
cloches de Genève, à la nuit tombante, un soir d’été [76] .
    Cette interprétation n’eût sans doute pas plu au compositeur.
Ceux qui avaient entendu cette pièce exécutée par Liszt eussent trouvé que le
jeu d’Alexandra manquait de netteté et de franchise, que les accords, tantôt
aigrelets, cristallins ou graves, et se répondant à travers l’espace imaginaire,
ne traduisaient qu’imparfaitement l’appel des cloches lointaines, soudain
dominé par celui d’un carillon proche et autoritaire. La passion romantique, teintée
de la mélancolie qui endolorit les amours secrètes et que l’amant de M me  d’Agoult
avait mis dans ses accords, ne pouvait être perçue, et encore moins rendue, par
la trop jeune interprète.
    Aricie, femme d’une extrême sensibilité, le comprit et
glissa à Élise, comme elle, excellente pianiste :
    — Pour jouer cette pièce, il faut avoir connu et vécu
la fragilité de l’amour. Et, Dieu merci, votre filleule a tout le temps de l’apprendre,
n’est-ce pas ?
    Alexandra fut néanmoins applaudie par tous et quand Élise, plus
émue qu’elle ne voulait paraître, vint l’embrasser, la jeune fille lui rendit
fougueusement son baiser.
    — C’est à vous, marraine, que je dois d’avoir été
admise au conservatoire de Genève. D’ailleurs, tout le monde m’a dit que j’avais
eu dans mes commencements un très bon professeur.
    À la fin de la journée de fête, quand Axel se trouva seul un
instant avec sa filleule, il lui demanda si elle était heureuse à Genève, chez
les Laviron, si elle s’entendait toujours bien avec Zélia. La jeune fille
répondit affirmativement aux deux questions, puis commit une indiscrétion qui
amusa M. Métaz.
    — Zélia et le docteur Vuippens s’écrivent chaque
semaine, dit-elle en minaudant, et toi tu ne m’écris jamais.
    — Comment sais-tu que Louis écrit à Zélia, dis, petite
espionne ?
    — Je le sais parce que j’ai vu le nouveau cachet rond
de la poste de Vevey sur une lettre adressée à Zélia. D’ailleurs, je crois bien
qu’ils ont été très contents tous les deux de se revoir aujourd’hui, parrain, conclut
Alexandra, qui savait déjà user de sous-entendus comme une vraie femme.
    Si contents, pensa Axel, que le médecin et la gouvernante
avaient disparu sitôt le repas terminé, sous prétexte d’aller admirer la décoration
de Noël de l’hôtel du Lion d’Or, rue de Bourg.
     
    Les Laviron avaient, depuis longtemps, regagné Genève avec Alexandra
et le printemps s’annonçait sur Lavaux, quand, par un bel après-midi de fin
mars, Axel Métaz, qui rentrait à bord de l’ Ugo d’une partie de chasse à
la grèbe avec Valeyres, aperçut, de loin, Élise près du ponton où il amarrait
son bateau. Il n’était pas dans les habitudes de M me  Métaz de
venir accueillir son mari quand il rentrait. « Pourvu qu’il ne soit rien
arrivé à Vincent », pensa aussitôt Axel.
    Sitôt qu’il fut débarqué, sa femme le rassura. Elle avait
voulu venir à sa rencontre parce qu’elle était impatiente de lui annoncer, tête
à tête, une bonne nouvelle. Elle allait être mère pour la deuxième fois.
    — Je ne vous ai rien dit avant d’être certaine. Mais
aujourd’hui j’ai vu Vuippens et il m’a assuré que, si tout va bien, l’enfant
naîtra dans le temps des vendanges, ou peu après, mon bien-aimé.
    Axel souleva sa femme dans ses bras, la fit tournoyer, l’embrassa
tendrement sous l’oreille en bousculant son chapeau et la reposa sur le
terre-plein.
    — Axel ! mais que vont penser les gens en vous
voyant m’embrasser ainsi, dit-elle, plus ravie que gênée.
    — Ils penseront ce qu’ils voudront ! J’espère, pour
vous, que ce sera une fille.
    — En tout cas elle n’aura pas l’œil vairon comme
Vincent, puisque, Vuippens est formel, un couple dont un des conjoints a l’œil vairon
ne produit qu’un seul enfant au regard bicolore. Un seul par génération. C’est
une sommité en ophtalmologie qui l’a dit, précisa Élise.
    — En somme, si je voulais un autre enfant à l’œil
vairon, je devrais changer de femme !
    — Essayez un peu, pour voir, menaça-t-elle en badinant.
    Axel entoura de son bras les

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