Sachso
du talon. Dès qu’apparaît une cavité pouvant servir de cachette, un des multiples mouchards placés entre nous appelle un S. S. à qui nous devons remettre notre trouvaille, si trouvaille il y a.
« Une fois, je dégage un rouleau de pièces d’or, plus grandes que nos pièces de cinquante centimes mais plus petites que celles de un franc. L’effigie représente un homme avec une barbe pointue, mais je n’ai pas le temps de la détailler, car le S. S. est déjà sur moi, averti par un voisin…
Lorsque nous allons aux W.-C., des mouchards nous fouillent et nous espionnent. J’en reconnais un. Il était en même temps que moi à Compiègne où il se disait clown, de nationalité anglaise. Ici, il porte un T sur son écusson, ce qui signifie qu’il est Tchèque. Fin 1944, je le rencontre à nouveau au kommando Klinker comme surveillant d’un hall où sont entreposées les grenades sortant des chaînes d’usinage.
« Nous sommes encore minutieusement fouillés pendant une heure le soir avant de reprendre la route du camp. C’est pourquoi nous arrêtons le travail plus tôt que dans les autres kommandos. »
Avec l’hiver, les S. S. modifient l’organisation de Schuhfabrik et renforcent le contrôle des détenus dont Maurice Poyard fait partie en novembre 1943 : « À l’entrée du kommando, nous devons nous déshabiller complètement sous la bise qui nous glace. Nous faisons un paquet de nos habits que, l’un après l’autre, nous déposons dans une première tente. Sous une seconde, nous prenons un pantalon, une veste de toile raidis par la gelée, et une paire de gros sabots. Toujours nus, nous courons nous habiller quarante mètres plus loin, dans la baraque où nous sommes une centaine à dépiauter souliers et sacs des juifs massacrés. Les S. S. rient de notre cavalcade et schlaguent nos corps dénudés et glacés. Des camarades s’écroulent…
« Le soir, le même manège recommence en sens inverse. Entre les deux tentes, alors que nous sommes à nouveau nus, les S. S. vérifient que nous n’emportons ni perles ni diamants dans la bouche, les oreilles, les mains. »
Un jour, Georges Vachellerie découvre des papiers dans le talon d’une chaussure qu’il démonte. Il les juge importants et parvient à les dissimuler. Malheureusement, un mouchard le dénonce. Comme il ne s’agit pas d’un objet de valeur monnayable, il n’écope que de dix coups de schlague. Mais il est si maigre qu’il a des os brisés… Son camarade de réseau, Louis Péarron, apprend qu’il est mort, le jour même au Revier.
Au kommando de récupération des vêtements dont les baraques sont le plus près du crématoire, les trouvailles sont également nombreuses, mais elles ne profitent pas toujours aux S. S. Des détenus allemands de droit commun en détournent pour des trafics mystérieux dont les filières sont parfois nauséabondes.
Louis Péarron apprend ainsi que le « vert » allemand responsable du vidage des tinettes du kommando dans un terrain extérieur au camp utilise ces récipients pour sortir de l’or que des complices du dehors viennent reprendre.
Pierre Pradère, de son côté, vérifie, sans le vouloir, l’existence de trésors dans les habits civils que le kommando Bekleidung trie et modifie, car il n’y a plus assez de vêtements rayés pour les détenus dont le nombre s’accroît sans cesse. Ou bien un rectangle est découpé dans le dos des vestes et un morceau de « rayé » recousu à la place, ou bien un grand X est tracé dessus à la peinture et un trait de couleur orne les jambes des pantalons. Pierre Pradère, affecté cet hiver-là à la menuiserie de D. A. W., reçoit des vêtements civils de cette sorte, mais ce sont des vêtements légers dans lesquels il grelotte. « J’en parle incidemment à un ami de Dax qui dit pouvoir me dépanner. Il travaille comme “tailleur” au kommando des vêtements, près du crématoire et de D. A. W. Il me donne rendez-vous pour le lendemain matin neuf heures, près de la baraque des tailleurs. J’y suis. Il me conduit rapidement sous un hangar et me dit de choisir. En effet, j’ai le choix. Il y a un énorme tas de pardessus, de vestes, de pantalons.
« Je jette mon pardessus minable après avoir enlevé mon numéro et le F que j’ai préalablement décousus et qui ne tiennent plus que par quelques points. Je prends en vitesse un pardessus et une veste confortables. Je raccroche hâtivement mon matricule
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