Taï-pan
adoptée au cours des trois prochaines années.
« La clef de l’hégémonie mondiale est l’Asie, plus l’Amérique du Nord. L’Amérique du Nord est presque entre nos mains. Si la Grande-Bretagne et les États-Unis nous laissent dix ans de liberté en Alaska russo-américain, toute l’Amérique du Nord est à nous.
« Notre position là-bas est solide et amicale. Les États-Unis ne considèrent absolument pas notre vaste expansion territoriale dans les terres désertiques du Nord comme une menace. La consolidation de notre position de l’Alaska jusqu’à notre « fort de commerce » le plus méridional en Californie du Nord – et de là par voie de terre jusqu’à l’Atlantique – peut être accomplie selon la méthode habituelle : immigration immédiate sur une grande échelle. La majorité des États de l’Ouest, et le Canada tout entier, à part une petite zone à l’Est, sont à l’heure actuelle déserts, sans colons. Par conséquent, l’importance de notre émigration dans les solitudes de l’Ouest pourrait être tenue secrète, comme il se doit. De là les émigrants, choisis parmi nos solides tribus guerrières euro-asiatiques – Uzbeks, Turcomans, Sibériens, Kirghizes, Tadzhiks et Ouigours – et les nomades, se déploieraient en éventail et s’empareraient du territoire pratiquement à leur guise.
« Nous devons maintenir des relations cordiales avec la Grande-Bretagne et les États-Unis pendant les dix années qui viennent. À cette date, l’émigration aura fait de la Russie une puissance américaine, la plus virile, et nos tribus, qui aux temps anciens ont composé les hordes de Gengis Khan et de Tamerlan, équipées d’armes modernes et commandées par des Russes, pourront à notre gré balayer les Anglo-Saxons dans la mer.
« Mais il y a plus important, mille fois plus important : l’Asie. Nous pouvons renoncer aux Amériques, jamais à l’Asie .
« La clef de l’Asie est la Chine. Et la Chine s’étend à nos pieds. Nous partageons près de huit mille kilomètres de frontière commune continue avec l’Empire Céleste. Nous devons contrôler la Chine sinon nous ne serons jamais en sécurité . Nous ne pourrons jamais l’autoriser à devenir forte, ni dominée par une autre Grande Puissance, sinon nous nous trouverions pris au piège entre l’Orient et l’Occident, et risquerions de devoir faire la guerre sur deux fronts. Notre politique asiatique est axiomatique : la Chine doit être maintenue faible, vassale et transformée en zone d’influence russe.
« Une seule puissance – la Grande-Bretagne – se dresse entre notre but et nous. Si elle est empêchée, par ruse ou par pressions, d’acquérir et de consolider une île-forteresse définitive au large de la Chine, l’Asie est à nous.
« Naturellement, nous n’osons pas encore nous aliéner la Grande-Bretagne. La France, la Pologne, la Prusse et les Habsbourg ne sont pas du tout satisfaits de la détente des Dardanelles, pas plus que ne l’est la Russie, et nous devons être constamment sur le qui-vive, contre leur harcèlement. Sans le soutien britannique, notre sainte patrie serait ouverte à l’invasion. À condition que la Grande-Bretagne adhère à son statut en Chine, tel qu’elle l’annonce – “nous désirons simplement établir des relations commerciales et des comptoirs d’échange que toutes les nations occidentales pourront se partager à égalité” – nous pouvons nous avancer dans le Sinkiang, le Turkestan et la Mongolie, et nous rendre maîtres de la route de terre vers la Chine. (Nous sommes déjà maîtres des grandes voies d’invasion à portée du col de Khyber et du Cachemire conduisant aux Indes britanniques.) Si jamais la nouvelle se répandait de nos conquêtes territoriales, notre position officielle serait que “La Russie réduit simplement des tribus sauvages hostiles dans ses marches de l’est”. En cinq ans, nous devrions être installés au seuil du cœur de la Chine, au nord-ouest de Pékin. Alors, par simple pression diplomatique, nous serions en mesure de placer de force des conseillers auprès de l’empereur mandchou, et, à travers lui, de nous rendre maîtres de l’Empire chinois jusqu’à ce que le moment soit venu de le partager en États vassaux. L’hostilité entre les seigneurs mandchous et les sujets chinois est un immense avantage pour nous et, naturellement, nous ne manquerons pas de l’entretenir.
« À n’importe quel
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