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Thalie et les âmes d'élite

Thalie et les âmes d'élite

Titel: Thalie et les âmes d'élite Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jean-Pierre Charland
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d’arbres au bout du champ. Les deux jeunes frères se mirent à ses trousses en poussant des cris de joie. Le paysan enfonça sa fourche dans la charge de foin avant de dire à son invité :
    — Vas-y aussi. Après tout ce travail, ça te rafraîchira un peu. Après une pause, il ajouta encore :
    — Ça change du cours classique du Petit Séminaire, hein?
    Un peu moqueuse, la voix contenait néanmoins une bonne dose de sympathie. Toutefois, la fatigue accumulée enlevait tout sens de l’humour à l’adolescent. Plutôt que de partager l’amusement de son parent, il préféra tourner les talons et prendre la même direction que les autres.

    Après quelques pas, il réalisa combien il devait paraître grotesque, avec son mouchoir coincé dans les narines. Il l’arracha d’un geste rageur.

    *****
En arrivant près de la rivière bordant l’extrémité nord de la ferme, Raymond trouva sans mal ses cousins en se guidant sur leurs éclats de voix. Les trois garçons s’ébattaient dans une espèce de piscine naturelle de forme circulaire, alimentée par le
    cours
    d’eau.
    Léon
    se
    tenait
    alors
    à
    deux mains à une branche d’arbre au-dessus du plan d’eau.
    — Saute, hurla le plus jeune dans un grand rire.
    Ces trois corps nus exerçaient une curieuse fascination sur l’adolescent. Bien sûr, il avait déjà entrevu son jeune frère. Entrevu seulement, car sa mère multipliait les précautions afin de lui éviter le péché d’impureté. Mais là, en plein soleil, le trio s’en donnait à cœur joie.
    Léon lâcha prise, creva la surface dans un grand « plouf», et en émergea rapidement.
    — Viens nous rejoindre, elle est fraîche à souhait.
    Spontanée, l’invitation glaça Raymond. L’idée de se dénuder pour participer à leurs jeux le remplissait de terreur. Immobile, il ne répondit pas.
    — Il est trop scrupuleux ! clama le benjamin, amusé.
    Les autres ricanèrent. Léon plongea. Un court instant, plié en deux, seules ses fesses émergèrent. Devant ce curieux salut, le citadin tourna les talons pour se diriger vers la maison. Sa privation de baignade ne déçut pas tout le monde. La paysanne lui confia sa fourche pour qu’il décharge le voyage de foin dans la tasserie, pendant qu’elle allait commencer la traite des vaches.

    *****
    Le refus de Raymond de se baigner lui mérita quelques railleries au souper. Son retour inopiné lui avait valu de faire le train avec les filles de la maison, pour se débarbouiller ensuite avec elles près de la pompe «à queue».
    La morve lui coulant du nez ajoutait à sa misère. Quand il était sur la galerie, il avait entendu l’homme dire à sa femme :
    — Tu as vu, le travail le rend malade.
    — Ne dis pas ça. Pour une première journée, il a fait toute une besogne.
    Rageur, l’adolescent s’était éloigné trop tôt pour entendre l’homme en convenir et même souligner sa force physique. L’hommage l’aurait pourtant rasséréné un peu.
    Après une soirée aussi morne que la précédente, à entendre les adultes évoquer la température du jour écoulé et celle de celui à venir, les enfants regagnèrent leur lit peu après le coucher du soleil. Malgré la fatigue qui lui rompait les membres, Raymond demeura longuement éveillé. Les yeux grands ouverts, étendu sur le dos, il sentait sous lui la paille lui piquer la peau. Dans la lucarne, le bleu du soir céda au noir de la nuit.
    Chariot se trouvait là, dans cette chambre, tapi dans un coin. Il se transformait en projectionniste, repassant dans l’esprit du citadin la vue en contre-plongée sur des cuisses féminines, les corps ruisselant d’eau sous le soleil.
    Avec mille précautions, il quitta sa couche, descendit en essayant de se faire léger sur les marches de l’escalier et franchit la porte pour se diriger vers la bécosse. A le voir ainsi en sous-vêtements, pieds nus, traverser la cour, ses camarades du Petit Séminaire se seraient bien amusés.

    Ce fut dans ce cagibi étroit qu’il tint son conciliabule avec Chariot.

    *****
    Les journées de monseigneur Buteau s’allongeaient parfois, au gré des visites de toutes les âmes pieuses désireuses de l’assister dans
    son
    projet
    de
    nettoyer
    sa
    paroisse
    des
    occasions de péché. L’appel téléphonique du président des Ligues du Sacré-Cœur vint en début de soirée.
    — Monseigneur,
    êtes-vous
    passé
    cet
    après-midi
    devant le Palais Royal? demanda-t-il d’une voix très alarmée.
    —

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