Thalie et les âmes d'élite
le couvert.
— ... Tu ne ferais pas mieux de t’asseoir un peu ? Dans ton état...
La jeune femme fut touchée de sa sollicitude.
— Je ne suis pas malade. Au contraire, selon Thalie, je me porte comme un charme.
— Et ma sœurette ? Comment l’as-tu trouvée ? Comme médecin, je veux dire.
— Une fois le lien de parenté oublié, elle se montre très compétente, pour autant que je puisse en juger. C’est drôle, j’avais l’impression de me trouver avec une autre personne, sérieuse, efficace, avec des gestes très précis. Tu sais, tu devrais la consulter...
— Ça, jamais. Si le docteur Caron essaie de me faire passer dans sa clientèle, je vais m’acheter une voiture juste pour aller consulter mon ami Davoine.
Au cours des dernières années, Mathieu avait conservé une relation plaisante avec son ancien voisin de la chambre du bas. Au cours du repas, la conversation porta sur la naissance à venir. Ils avaient cessé de prendre des « précautions»
au mois de juin, juste après les débuts du jeune professionnel dans une étude bien en vue. Flavie était tombée enceinte peu de temps après. La naissance était donc prévue pour février.
En allant au lit, un peu après dix heures, le jeune homme déclara :
— Avec cette chaleur, je ne vais certainement pas mettre un pyjama. Je te suggère de faire la même chose, sinon tu ne dormiras pas de la nuit.
La suggestion suscita chez elle un mélange de gêne et d’excitation. Dormir nue ! Ce genre d’idée devait venir d’Europe. Jamais un Canadien français ne songerait à une chose pareille ! D’ordinaire, elle aurait exprimé son malaise d’une phrase du genre «Voyons, si jamais nous passions au feu... » Bien sûr, dans la pension de la rue Sainte-Geneviève, pareille initiative était impensable. Mais ici, avec les portes avant et arrière soigneusement fermées, l’idée faisait son chemin dans son esprit...
En revenant dans la chambre à coucher, après un passage prolongé dans la salle de bain, elle se présenta à la porte dans son plus simple appareil, le bras droit replié de façon à dissimuler ses seins, la main gauche sur son sexe.
— Je me sens affreusement intimidée, chuchota-t-elle.
Ferme la lumière.
— Tout à l’heure. Viens ici.
Il tendait les mains vers elle. En s’approchant pour les prendre, elle révéla son corps dans sa splendide nudité. En cinq ans de mariage, Mathieu l’avait vue ainsi une demi-douzaine de fois tout au plus.
— Tu es magnifique.
Assis sur le bord du lit, il l’attira jusqu’à pouvoir entourer son corps de ses bras, la tête posée entre les seins. Après avoir embrassé chacun d’eux à quelques reprises, il la força à se reculer un peu, posa sa paume droite sur le ventre, juste au-dessus du triangle noir de son pubis.
— Cela ne se voit pas du tout.
— Oh ! Un petit peu, je pense.
L’arrondi de l’abdomen lui paraissait identique à celui des dernières années. Mais certainement, dans quelques semaines, en l’absence de vêtements, son état serait facilement identifiable.
Sa bouche s’affaira sur le nombril de Flavie. Après une caresse du bout de la langue, elle amorça un long voyage vers le sud, l’inconfort de la canicule totalement oublié.
— Mais dans ton état, demanda-t-il en levant les yeux vers sa compagne, est-ce indiqué ?
— ... Thalie m’a recommandé de demeurer active, de faire de longues marches. Selon elle, l’activité physique demeure le meilleur moyen de se préparer à l’accouchement. Mais elle n’a pas parlé de...
Si le sujet avait effleuré l’esprit de la future parturiente, sa timidité l’avait empêchée de poser la question.
— Mais je suis certaine que si... l’abstinence devenait nécessaire, elle me l’aurait dit.
La jeune femme, maintenant, souhaitait poursuivre le petit jeu commencé. Elle posa les mains sur la tête de son mari et la rapprocha de son ventre.
*****
Arrivée au magasin un peu avant neuf heures, Flavie commençait toujours sa journée en ouvrant le courrier de son patron, à moins que l’enveloppe ne portât les mots
«personnel» ou «confidentiel». Elle allait ensuite déposer les lettres au centre du sous-main placé sur le bureau du directeur.
Légèrement nerveuse ce matin-là, elle chercha à s’occuper en attendant
l’arrivée
de
son
patron.
Celui-ci,
comme
son père, dix, vingt ou trente ans plus tôt, parcourait tous les rayons avant de venir prendre place dans
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