Trois Ans Dans Une Chambre à Gaz D'Auschwitz
débarrassaient de leurs vêtements avant d’être gazées furent transférés dans trois baraques en bois. On avait renoncé aux portemanteaux numérotés, aux autres camouflages sous forme de panneaux, ainsi qu’aux autres supercheries. Les fours des crématoires furent ainsi compétés en peu de temps par neuf importantes installations d’incinération où l’on pouvait maintenant réduire en cendres un nombre presque illimité de cadavres.
Moll, spécialiste de l’abattage des hommes en masse, s’orienta alors vers une autre activité. Sa technique d’anéantissement consistait à transformer une superficie relativement faible en un emplacement où l’on pouvait faire disparaître, en un très court laps de temps, des milliers de corps. En comparaison de ce qu’il avait imaginé et de ce qu’il commençait à réaliser, « l’Enfer » de Dante n’était qu’un jeu d’enfant.
D’autre part, la direction S.S. du camp avait toujours veillé strictement à ce qu’il ne subsistât aucune trace des crimes qui se perpétraient ici, on jetait les cendres humaines, à intervalles réguliers, dans les étangs voisins ou dans la Vistule.
C’est pourquoi, afin d’éliminer rapidement et discrètement les résidus en provenance des crématoires et des fosses, Moll fit construire à côté de celles-ci une plate-forme bétonnée d’environ 60 m de longueur et 15 m de largeur sur laquelle les cendres étaient finement pulvérisées avec des dames massives. Au cours de ces travaux de bétonnage, l’anéantissement des juifs hongrois battait son plein. Il s’accomplissait à un rythme inconnu jusqu’à ce jour. Onze mois avant la fin de la guerre, de longs convois de chemin de fer faisaient constamment la navette entre la Hongrie et Birkenau. On utilisait pour ces transports tout le matériel ferroviaire disponible réservé au trafic militaire. Presque chaque jour, plusieurs trains de quarante à cinquante wagons à bestiaux arrivaient à Birkenau, à proximité de la nouvelle rampe d’accès, de construction récente. Les wagons dans lesquels les hommes étaient parqués, étaient verrouillés et on ne les ouvrait qu’arrivés à destination. Ils souffraient d’une soif ardente, car pendant le voyage qui durait plusieurs jours, on ne leur avait rien donné à boire. Nombreux étaient donc ceux qui périssaient pendant le trajet à la suite d’insupportables tourments.
Les déportés « sélectionnés » se traînaient alors en longues colonnes le long de la route les conduisant à l’usine de la mort complètement épuisés et abattus, se doutant bien qu’ils effectuaient leur dernier voyage. Des mères poussaient des voitures d’enfant devant elles, d’autres conduisaient à la main des enfants un peu plus grands qui pouvaient déjà courir. Des jeunes gens aidaient des personnes âgées et malades et les soutenaient dans leur marche, un grand nombre d’entre eux s’étant intégrés dans cette procession funeste après avoir supplié sur la rampe les S.S. de ne pas les séparer de leurs parents infirmes et dans la détresse. Ils n’auraient, hélas, plus besoin d’aucune aide quelques heures plus tard !…
L’itinéraire de ces malheureuses victimes passait à travers des fils de fer barbelés qui s’étendaient sur la droite et sur la gauche, fixés à intervalles réguliers sur des poteaux de béton peints en blanc. Derrière ces barbelés des silhouettes émaciées en uniforme zébré allaient et venaient sans paraître remarquer les nouveaux arrivants ni s’intéresser à eux.
Le spectacle qui s’offrait aux arrivants, aussi bien le jour que la nuit, était si désolant que la plupart sombraient dans une profonde apathie sans porter la moindre attention à ce sinistre environnement. Souffrant surtout pendant la grande chaleur de l’été d’une soif affreuse, l’obsession de l’eau occupait seule leurs pensées. C’est dans cet état physique lamentable que deux mille hommes environ arrivèrent à l’aube d’une chaude journée d’été de juin 1944, dans la cour antérieure du crématoire V. De là ils furent conduits entre une double haie de S.S. jusqu’au bosquet voisin.
Ils se trouvaient alors à une centaine de mètres des fosses, mais la haie formant écran, de près de 3 mètres de hauteur, leur barrait la vue. De plus les sentinelles S.S., prêtes à tirer, empêchaient qu’ils ne s’approchent de trop près et qu’ils n’aient un aperçu de
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