Bücher online kostenlos Kostenlos Online Lesen
Un Monde Sans Fin

Un Monde Sans Fin

Titel: Un Monde Sans Fin Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Ken Follett
Vom Netzwerk:
concession
accordée à leur bien-être.
    Faisant fi des règles ancestrales, selon son habitude, Caris
permettait aux sœurs de porter des bas de laine en hiver. Dieu, disait-elle,
n’avait nul besoin de serviteurs incapables de travailler à cause de leurs
engelures.
    L’évêque Henri était à ce point préoccupé par l’hospice –
ou, plutôt, par les menaces qui planaient sur sa tour – qu’il n’hésita pas à
faire le déplacement jusqu’à Kingsbridge malgré la neige. Accompagné du
chanoine Claude et de l’archidiacre Lloyd, il quitta Shiring à bord d’une
imposante carriole en bois munie de sièges rembourrés et tendue d’un dais en
toile cirée. Descendus au palais du prieur, les trois hommes prirent à peine le
temps de sécher leurs vêtements et de se réchauffer d’une coupe de vin avant de
convoquer une réunion. Y furent conviés Philémon, frère Sime, Caris, sœur
Oonagh, le prévôt Merthin et Madge la Tisserande.
    Caris s’y rendit à seule fin de s’éviter un flot de
suppliques, d’ordres et autres discours. Elle était convaincue que cette
rencontre ne serait qu’une perte de temps : la querelle ne l’intéressait
pas.
    Tout en suivant des yeux la danse des flocons de neige
derrière les carreaux brillants, elle écoutait d’une oreille distraite l’exposé
de l’évêque, quand une phrase retint son attention :
    « La crise que nous connaissons maintenant est due au
comportement rétif et déloyal de mère Caris. »
    Piquée au vif, elle répliqua : « J’ai travaillé
pendant dix ans à l’hospice. La réputation qu’il s’est acquise auprès de la
population n’est due qu’à mes efforts et à ceux de mère Cécilia avant
moi. » Pointant un doigt accusateur vers l’évêque, elle poursuivit :
« Ne blâmez pas autrui, monseigneur. Vous avez personnellement mis le ver
dans le fruit, assis sur cette même chaise, le jour où vous avez nommé frère
Sime directeur de l’hospice. C’était une décision stupide. À vous d’en assumer
les conséquences.
    — Vous me devez obéissance ! glapit le prélat au
comble de l’exaspération. Vous êtes religieuse : vous avez prononcé vos
vœux. »
    Dérangé par les cris stridents, Archevêque fila hors de la
pièce. « Si quelqu’un sait combien cette situation est insupportable,
c’est bien moi, croyez-le ! »
    Son discours n’était pas préparé. Pourtant, tandis que les
mots s’échappaient de sa bouche, elle comprit qu’ils ne lui venaient pas sous
l’effet d’une émotion irréfléchie, mais étaient au contraire le fruit d’un long
ressassement.
    Le cœur battant la chamade, elle enchaîna d’une voix qu’elle
sut maîtriser : « Dans les conditions actuelles, il ne m’est plus
possible de servir Dieu. J’ai donc décidé de rompre mes vœux et de quitter le
couvent. »
    Henri bondit de sa chaise : « Je vous
l’interdis ! Je ne vous relèverai pas de vos vœux.
    — Dieu le fera, lui ! » riposta-t-elle avec
un mépris à peine voilé.
    Redoublant de fureur, l’évêque éructa : « C’est un
scandale, une hérésie, que de croire que tout un chacun peut traiter avec le
Seigneur. Depuis la peste, les propos inconsidérés se multiplient beaucoup trop
à mon goût. »
    Les yeux rivés sur Philémon, Caris ironisa :
« Peut-être parce qu’au plus fort de l’épidémie, les pauvres gens venus
chercher secours auprès de leurs prêtres et de leurs moines ont découvert
subitement qu’ils s’étaient enfuis comme des couards. »
    De sa main levée, Henri refréna l’indignation du prieur.
« Nous sommes peut-être faillibles, mais il n’en demeure pas moins que
l’on ne peut atteindre Dieu sans passer par l’Église et ses prêtres.
    — Libre à vous de le penser, jeta Caris. Votre avis ne
change rien à la question.
    — Mais vous êtes le Diable en personne ! »
    À ces mots, le chanoine Claude intervint : « Tout
bien considéré, je ne crois pas, monseigneur, qu’étaler au grand jour une
querelle entre la mère prieure et vous-même serait de quelque utilité pour
vous. »
    Il adressa un sourire amical à Caris. Il appréciait qu’elle
n’ait pas trahi leur secret quand elle les avait surpris, Henri et lui, en
train de s’embrasser.
    « Ne nous braquons pas sur la résistance que mère Caris
nous oppose aujourd’hui. Elle nous a prouvé sa valeur par de nombreuses années
de services bons et loyaux, parfois même héroïques. De plus, le

Weitere Kostenlose Bücher