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Un Monde Sans Fin

Un Monde Sans Fin

Titel: Un Monde Sans Fin Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Ken Follett
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elle
aurait donné tout ce qu’elle possédait pour être déjà là-bas et s’asseoir un
moment.
    La nuit tombait. La voie des cerfs se poursuivait encore sur
une demi-lieue sous les arbres pour aboutir au pied d’une colline. Sim s’arrêta
près d’un gros chêne et siffla doucement.
    Un instant plus tard, une silhouette se matérialisa à l’orée
des bois. « Tout va bien, Sim.
    — Tout va bien, Jed.
    — Qu’est-ce que tu nous ramènes là, une tarte aux
fruits ?
    — T’inquiète, Jed ! Pour six sous, t’en auras une
tranche et les autres aussi. »
    C’était donc à cela que Sim prévoyait de l’employer ! À
assouvir les désirs des hommes ! Face à l’horreur de ce destin, Gwenda
chancela et s’écroula à genoux.
    « Six sous, tu dis ? »
    Si la voix de Jed lui parut provenir de très loin, Gwenda
perçut sans erreur sa vibration excitée. « Et elle a quel âge ?
    — Seize ans, d’après le père, mais je lui en donne
plutôt dix-huit. » Sim tira sur la corde. « Lève-toi, grosse vache,
on a encore du chemin ! »
    Gwenda s’exécuta. Voilà pourquoi il voulait que je me lave
le visage, se dit-elle. Curieusement, cette pensée lui fit monter les larmes
aux yeux. Et elle se mit à pleurer à gros sanglots désespérés tout en posant
les pieds dans les pas de Sim.
    Enfin, ils débouchèrent dans une clairière. Un feu brûlait
au centre. À travers ses larmes, Gwenda aperçut entre quinze et vingt corps
étendus à même le sol, pour la plupart enveloppés dans des couvertures ou des
manteaux. Des visages se tournèrent dans sa direction pour l’observer à la
lumière du feu. Des hommes et une seule femme dont le visage faisait une tache
plus claire dans la nuit – un visage à l’expression dure qu’adoucissait un peu
l’ovale du menton. Elle regarda Gwenda fixement et, très vite, enfouit la tête
sous un tas de loques. Une barrique renversée et des coupes en bois attestaient
d’une récente beuverie.
    Un repaire de brigands, voilà où Sim l’avait conduite !
Elle gémit. À combien d’entre eux devrait-elle se soumettre ?
    À tous, évidemment.
    Traînant sa prisonnière derrière lui, Sim traversa la
clairière pour rejoindre un homme assis au pied d’un arbre, le dos très droit.
« Tout va bien, Tarn. »
    En entendant ce nom, Gwenda comprit immédiatement qu’elle
avait devant elle Tarn l’Insaisissable, le hors-la-loi le plus fameux du comté.
Un noble dévoyé, disait-on, mais on disait toujours cela des brigands d’un
certain renom. Il était beau, bien qu’il ait le visage rougi par la
boisson ; surtout, il était jeune : il ne devait pas avoir plus de
vingt-cinq ans. Mais il n’y avait rien d’étonnant à cela. Tuer un proscrit
n’étant pas considéré comme un crime, ils ne devaient pas être nombreux à
atteindre un âge avancé.
    Tarn lança : « Tout va bien, Sim.
    — J’ai échangé la vache d’Alwyn contre une fille.
    — Tu as bien fait, répondit Tarn d’une voix qui ne
semblait pas trop altérée par l’alcool.
    — Les gars paieront six sous, mais pour toi ce sera
gratuit, ça va de soi. J’imagine que tu veux être le premier. »
    Tarn posa sur Gwenda ses yeux injectés de sang. Était-ce un
rêve, elle crut y lire de la pitié. « Non, Sim, merci. Fais ton affaire
avec les gars. Qu’ils s’amusent. Mais tu peux peut-être attendre jusqu’à
demain, car la plupart sont ivres morts. Nous avions une barrique de bon vin,
raflée à deux moines qui la transportaient à Kingsbridge. »
    Gwenda sentit renaître un semblant d’espoir. Sa torture
serait-elle remise à plus tard ?
    « Faut que je voie ça avec Alwyn, répliqua Sim sans
conviction. Merci quand même, Tarn. » Il fit demi-tour, tirant Gwenda
derrière lui.
    À quelques pas de là, un homme aux larges épaules se
relevait en vacillant. Sim le salua par cette même formule de « Tout va
bien », qui devait à la fois servir de salut et de signe de reconnaissance
à ces proscrits.
    Alwyn, car c’était lui, en était à ce moment de l’ivresse où
la mauvaise humeur l’emporte. « Qu’est-ce que tu as obtenu en échange de
ma vache ?
    — De la chair fraîche. »
    Alwyn saisit le menton de Gwenda avec une force inutile et
le fit pivoter vers le feu. Ce mouvement obligea la jeune fille à le regarder
dans les yeux. Il était jeune, comme Tam l’Insaisissable, et il avait ce même
air malsain et débauché. Son haleine puait l’alcool.

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