Victoria
questions sur la géographie, l’utilisation des globes, l’arithmétique et la grammaire latine, les réponses que la princesse a faites étaient également satisfaisantes, et sa prononciation de l’anglais et du latin était singulièrement correcte et plaisante. Il semble qu’une attention particulière a été apportée à l’acquisition des langues modernes, et, bien que ce soit moins dans les attributions de notre enquête, nous nous devons de mentionner que les dessins au crayon de la princesse sont exécutés avec l’aisance et la justesse d’une enfant plus âgée. »
Toutefois, l’évêque de Londres demande à être reçu de nouveau pour clarifier un point resté dans l’ombre. La princesse sait-elle quelle sera sa situation future dans le pays ? Son éducation sera-t-elle dorénavant planifiée en conséquence ? La duchesse de Kent lui répond qu’elle ne s’est pas encore décidée à informer la princesse, espérant qu’elle apprendrait la vérité par inadvertance.
Dès le lendemain, la baronne Lehzen remet dans le livre d’histoire les pages contenant la généalogie des rois et reines d’Angleterre, qu’elle avait délicatement détachées. Victoria les découvre au moment de sa leçon.
« Je n’avais jamais vu cela.
— Non, princesse, il n’a pas été jugé nécessaire que vous le voyiez.
— Je vois que je suis plus près du trône que je ne pensais, remarque-t-elle, la gorge serrée, les larmes coulant sur ses joues.
— C’est vrai, madame.
— Je ferai de mon mieux…
— Il est encore possible, madame, ajoute la baronne comme pour la consoler, que votre tante Adélaïde ait un enfant.
— Oh ! dit Victoria, je ne serais certainement pas déçue, car je sais par l’amour que tante Adélaïde me porte combien elle aime les enfants. »
5
En entrant dans la grande salle du palais St James juste derrière la reine Adélaïde, Victoria regarde le trône bleu et or, flanqué de deux sièges plus bas sans dossier, sous un haut dais des mêmes couleurs. Vêtue d’une robe noire à très longue traîne, elle voit la scène à travers un voile noir qui tombe jusqu’à ses pieds. En cet été 1830, la cour porte le deuil du roi George. Victoria prend place immédiatement à gauche du trône, où son oncle Guillaume IV préside la cérémonie d’investiture du roi de Wurtemberg dans l’ordre de la Jarretière.
Le pays, dont les sentiments s’expriment dans la presse, s’intéresse autant à l’accession à la couronne d’Angleterre de Guillaume IV, le « roi marin » qui rêva en vain d’un commandement pendant les guerres napoléoniennes, qu’à celle du « roi des barricades » au trône de France. En ce mois de juillet 1830, le duc d’Orléans, ce « Philippe Égalité » avec qui correspondait autrefois Edward de Kent, est proclamé roi des Français. Pendant ce temps, du côté de la petite histoire, une correspondance estivale se poursuit entre Mme de Kent et le Premier ministre. Lord Grey remplace aux affaires le duc de Wellington, à qui son opposition à la réforme électorale a valu la censure du Parlement.
Le lendemain même de la mort de George IV, la duchesse de Kent a envoyé à son successeur une lettre, rédigée par Conroy et signée par elle, sous couvert du duc de Wellington, Premier ministre du gouvernement de Sa Majesté. Considérant que la princesse Victoria est désormais « plus qu’héritière présomptive », sa mère demande que la garde lui en soit officiellement attribuée. Son inclination personnelle la fait hésiter à endosser le lourd fardeau de la régence. Son jugement lui dicte impérativement d’accepter, dans l’intérêt de la princesse, une régence sans conseil.
Peu de temps après la visite des évêques de Londres et de Lincoln, elle a obtenu celle de l’évêque de Cantorbéry, qui s’est lui aussi déclaré entièrement satisfait. La duchesse de Kent n’insiste pas pour qu’un évêque soit attaché de façon permanente à la maison de la princesse. Elle souhaite seulement que, une ou deux fois par an, les évêques de Cantorbéry, de Londres et de Lincoln, le lord-président du Conseil privé de Sa Majesté et le président de la Haute Cour d’Angleterre, viennent l’évaluer. Elle désire qu’une dame de haut rang, Mme la duchesse de Northumberland par exemple, soit nommée gouvernante, en plus de l’actuelle « sous-gouvernante », Mme la baronne de Lehzen. Enfin, pour
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