Voyage au Congo
petites incorrections qu’ils commettent ? Puis devant les grosses exactions ?
Les huttes des indigènes dans les villages aux environs de M’Baïki, sont très différentes de celles que nous avions vues dans la région des Sultanats ; beaucoup moins belles, moins propres ; souvent même sordides. On reconnaît à ceci que nous ne sommes déjà plus dans l’Oubangui-Chari, où le gouverneur Lamblin exige la réfection des cases indigènes selon un type à peu près unique adopté par l’administration. Certains protestent contre cette indiscrète exigence et voudraient qu’on laissât les noirs construire des cases à leur goût ; mais ces dernières semblent donner raison à Lamblin. Reliées les unes aux autres en une seule longue file, sans doute pour économiser le travail ; murs droits en torchis, maintenus par des bambous horizontaux ; toits très bas. Et peut-être, après tout, ces affreux corons sont-ils également construits par ordre. (Nous ne rencontrerons nulle part, par la suite, villages d’aspect moins exotique, ni plus laids.)
Bangui, 26 octobre.
Grands préparatifs de départ. Nous envoyons directement à Archambault trente-quatre caisses. Les colis qui doivent voyager avec nous prennent place dans deux camionnettes. Adoum monte dans la Ford avec nous. Départ de Bangui à trois heures. La nuit nous surprend en pleine forêt. Malgré le clair de lune, on distingue à peine la route.
Dîner très agréable chez M. Bergos, chef de subdivision de M’Baïki.
27 octobre.
Déjeuner à Boda avec le sinistre Pacha (v. plus loin) et M. Blaud, administrateur de Carnot, qui rentre en France. Pacha n’a pas le sourire. Certainement c’est un malade.
Départ de Boda vers trois heures. Dans les villages que l’on traverse, l’on ne voit que des vieillards, des enfants et des femmes.
La route s’élève lentement. Tout à coup le terrain dévale ; on domine une immense étendue de forêts. La nuit est close quand nous arrivons à N’Goto.
N’Goto est sur une hauteur ; simple pli de terrain, mais qui domine une assez vaste contrée. La Forestière y a un poste ; maison inhabitée que des représentants de la Compagnie nous avaient indiquée comme un endroit possible pour un séjour. Nous sommes plutôt un peu déçus par l’aspect du pays. En outre, nous voulons ne rien devoir à la Forestière. Nous ne songeons qu’à repartir. Mais les autos manquent d’essence et d’huile. Nous nous reposions sur l’assurance que nous avait donnée M. Bergos, que l’on pourrait se ravitailler en route. Rien à Boda ; non plus qu’à N’Goto. Force sera d’abandonner ici deux voitures. Mobaye, le chauffeur de Lamblin, qui déjà nous accompagnait à Rafaï, nous mènera en camion jusqu’au point terminus, avec Zézé notre cuisinier et nos sacs de couchage, puis retournera seul à M’Baïki, chercher l’huile et l’essence qu’il rapportera aux deux autres voitures en panne. Nos deux boys partent en avant vers six heures, avec les soixante porteurs qu’on a mis à notre disposition. Nous les retrouverons, partie au « Grand Marigot », point terminus de la route automobile ; partie à Bambio, où ils arriveront vers midi après avoir marché toute la nuit. C’est ici que va commencer vraiment le voyage.
Invités à dîner par M. Garron, grand chasseur {34} , établi depuis quatre mois à N’Goto, qu’il songe à quitter du reste, car la chasse y est peu fructueuse, et il s’y ennuie à périr.
Retirés de bonne heure, nous dormions tous deux d’un profond sommeil, à l’abri de nos moustiquaires, dans la case des passagers. Vers deux heures du matin un bruit de pas et de voix nous réveille. Quelqu’un veut entrer. Nous crions en sango : « Zo nié ? » (Qui est là ?). C’est un important chef indigène, qui déjà s’était présenté durant notre dîner. Craignant alors de nous gêner, il avait d’abord remis au lendemain l’entretien qu’il se promettait d’avoir avec nous ; mais un messager que Pacha, l’administrateur de Boda, lançait à ses trousses venait de lui transmettre l’ordre de regagner aussitôt son village. Il ne pouvait qu’obtempérer. Mais, désolé de voir s’échapper l’espoir qu’il avait eu de nous parler, il avait pris sur lui de venir nous trouver à cette heure indue. Il parlait avec une volubilité extrême, dans une langue dont nous ne comprenions pas un mot. Nous le priâmes de nous laisser
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