Voyage en Germanie
lingon… (Claudia pouffa tout à coup.) C’est une histoire amusante. Il s’appelle Julius Sabinus ; il se vantait beaucoup mais c’était un parfait incapable. Il racontait que son arrière grand-mère était une beauté et qu’elle avait séduit Jules César.
— Pas de quoi se vanter ! marmonnai-je.
— Je te demande pardon, mon cher ?
— Ça n’avait rien de bien difficile.
— Oooh ! Marcus Didius ! Quoi qu’il en soit, Sabinus était bouffi de vanité, mais figure-toi, Helena, que sitôt Cerialis arrivé, il s’est mis à paniquer : il a incendié sa ferme pour faire croire qu’il s’était suicidé, puis il a mis les bouts en douce. Sa femme Eponina le cache. Tout le monde le sait, mais nous n’en parlons jamais. Tout le monde se dit qu’il finira par revenir la crête basse, le rouge au front et de la paille aux genoux de pantalon. Cela dit, vu la façon dont les choses se passent, il pourrait bien continuer à se faire nourrir pendant des années.
L’histoire était bonne… elle me donna un aperçu intéressant des soucis susceptibles de tracasser ma proie, Civilis.
— En tout cas, mes chers, Civilis ne veut rien avoir à faire avec un poltron pareil. Il serait plutôt du genre à frayer avec Classicus.
— Qui est-ce ? demanda Helena.
— Un des meneurs des Trévires. Celui qui a obligé Colonia à se joindre provisoirement aux rebelles. C’est lui qui a exécuté certains des tribuns romains à Moguntiacum, à la suite de leur refus de faire serment d’allégeance à l’alliance germaine.
— Des garçons de ta connaissance ?
— Un ou deux.
Claudia s’exprima d’un ton impassible, comme toujours, mais peut-être cela l’affectait-il. Elle semblait plus âgée, ce soir, et fatiguée de se montrer enjouée.
— Excuse-moi… je t’ai interrompue.
— Voyons, je parlais de Classicus. Quand mon général a vaincu les Trévires, leur chef est rentré chez lui et s’est vanté de ses exploits. Il vit retranché. Les Romains l’autorisent à rester sur ses terres.
— Nous avions promis qu’il n’y aurait pas de représailles, confirmai-je. Nous savons où il se trouve. Un écart, et il sera banni. Mais se risquerait-il à manquer à sa parole en hébergeant Civilis ?
— Pas ouvertement. En revanche, il se pourrait qu’il ait prudemment mis une planque à sa disposition. Oui, reprit Claudia qui s’en persuadait elle-même, Augusta Treverorum représente ton meilleur terrain de chasse, Marcus Didius.
Peut-être, mais ça ne m’était d’aucune utilité maintenant que je m’étais conditionné pour enquêter à propos de Veleda. La capitale des Trévires se trouvait à plus de cent milles au sud-ouest – largement à l’intérieur de la province de Belgique –, alors que mon itinéraire passait loin vers le nord et l’est. Même Vetera, où je prévoyais de faire une halte pour entamer des recherches, était plus proche. Si Civilis était embusqué à Augusta Treverorum, il attendrait encore avant que je vienne le dénicher dans sa cachette.
Nous avions extorqué bien des renseignements à Claudia Sacrata, mais j’eus le sentiment que la source se tarissait.
— C’est gentil à toi de nous avoir reçus, mais il vaudrait mieux que nous partions maintenant. L’expérience m’a appris qu’à cette heure les boucles si savamment arrangées au fer d’Helena sont sur le point de commencer à pendouiller…
Sa nouvelle suivante l’avait aidée à élaborer une couronne de boucles qui lui encadrait le visage : l’odeur de roussi qui accompagnait l’opération m’avait inquiété.
— En effet, renchérit gentiment ma compagne. Et si nous en arrivons là, cela va provoquer de la panique.
Comme nous nous levions, Claudia lança :
— Quelle est pour toi l’étape suivante, Marcus Didius ?
— La seule solution, c’est une percée sur la rive est.
— La Germanie… les guerriers y ont toujours été considérés comme les plus farouches au monde, ajouta Helena.
Je souris doucement.
— À mon avis, ils doivent bien avoir quelques sentiments.
— Quant aux femmes, elles sont pires, rétorqua-t-elle.
— J’ai l’habitude des furies, ma chérie.
Helena s’adressa à Claudia Sacrata :
— Veleda est-elle jeune ou vieille ?
— Assez jeune.
— Et belle ?
— Les hommes trouvent sans doute qu’elle l’est, rétorqua la courtisane des légats et des généraux, comme si la seule beauté n’avait rien d’un compliment.
Elle nous raccompagna
Weitere Kostenlose Bücher