Voyage en Germanie
cohortes bataves à sa suite personnelle, jusqu’au moment où il les redéploya en Germanie.
Encore de la politique : Canidius avait à nouveau l’air mal à l’aise.
— En Germanie, les cohortes bataves se mirent très vite au service de Civilis. Cela insuffla un élan extraordinaire à la révolte. (J’en rageais encore.) Étant donné que Civilis est leur chef, la défection des Bataves était à prévoir !
— Suffit, Falco ! lâcha sèchement Vespasien, refusant de critiquer un autre empereur – même celui qu’il avait personnellement déposé.
D’un hochement de tête, il signifia son attente à Canidius, qui reprit d’une voix étranglée :
— La Quatorzième revint à nouveau de Bretagne pour prêter assistance à Petilius Cerialis. Elle occupe aujourd’hui Moguntiacum.
Il acheva son exposé avec soulagement.
— Seuls les forts de Germanie supérieure ont survécu, m’expliqua brièvement Vespasien ; du coup, Moguntiacum supervise à présent l’une et l’autre parties du territoire.
De toute évidence, le fort où était stationnée la Quatorzième jouant un rôle à ce point crucial, Vespasien avait besoin d’éprouver une confiance absolue vis-à-vis des hommes en question.
— Mon objectif prioritaire consiste à raffermir la discipline et éradiquer les vieilles ententes.
— Qu’en est-il des soldats qui firent serment d’allégeance à l’alliance des Gaules ? demandai-je avec intérêt. À quelles légions ces hommes appartenaient-ils, Canidius ?
— Première Germanica de Bonna, Quinzième Primigenia de Vetera et la Seizième Gallica de Novæsium… plus la Quatrième Macedonia de…
Il avait oublié : premier indice d’humanité.
— Moguntiacum, compléta l’empereur.
Ce qui justifiait de plus belle son besoin de pouvoir compter sur des légions loyales dans la place.
— Merci, César. Quand Petilius Cerialis accueillit les coupables, m’expliqua le gratte-papier, les premiers mots qu’il adressa aux mutins furent… (Pour la première fois, Canidius se référa à sa tablette de notes pour nous livrer le détail historique propre à nous galvaniser :) Désormais, les soldats qui se sont révoltés combattent à nouveau pour leur pays. À partir d’aujourd’hui, vous êtes au service de notre armée, liés par le serment que vous avez prêté envers le Sénat et le peuple de Rome. L’empereur a effacé de sa mémoire tout ce qui s’est passé, et votre commandant lui-même n’en conservera aucun souvenir !
Je tâchai de ne pas laisser transparaître dans mon ton la désapprobation que m’inspirait la nouvelle.
— On déclare que les circonstances étaient exceptionnelles et on fait preuve de clémence, César ?
— On ne peut pas se permettre de perdre quatre légions d’élite, grommela Vespasien. Elles vont être démantelées, reprises en main et redistribuées dans diverses unités.
— Et ces nouvelles légions seront rapatriées de la région rhénane ?
— Pas d’autre solution envisageable. Les soldats que commandaient Cerialis et Gallus garderont la frontière.
— Il n’y aura pas besoin de neuf légions pour ça. (Je discernais à présent les différents choix qui s’offraient à l’empereur.) La Quatorzième Gemina pourrait donc être renvoyée en Bretagne ou postée à Moguntiacum de façon permanente. Je crois que Canidius nous a expliqué qu’il s’agissait de leur fort d’origine. Quel est ton plan, César ?
— Je n’ai encore rien décidé, objecta l’empereur.
— Est-ce l’objet de ma mission ?
J’aime parler franc.
Vespasien eut l’air agacé.
— N’anticipe pas mes ordres !
— Mais César, c’est flagrant. Ces hommes t’ont loyalement servi sous Cerialis, mais ils s’étaient montrés turbulents jusqu’alors. Du jour où elle écrasa les Icènes, la Quatorzième est devenue synonyme d’insoumission…
— Ne médis pas d’une bonne légion !
Vespasien était un général à l’ancienne. L’idée que la moindre unité dotée d’une belle réputation puisse décliner lui était odieuse. Mais si cela se produisait, il se montrerait impitoyable.
— Moguntiacum est un fort conçu pour abriter deux légions, mais les effectifs ont grossi de quelques nouvelles recrues. J’ai besoin de ces hommes… à condition de pouvoir compter sur eux.
— La légion a été constituée sur place, me rappelai-je. Pour que nos soldats filent doux, rien de tel que leurs propres petites grands-mères
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