Will
feu. Pendant
un moment, elle a été la seule à le sentir, puis d’autres s’en sont rendu
compte. Avant peu, nous avions tous une lourde odeur de fumée de bois dans les
narines. Sans tarder, la fumée a commencé à s’immiscer dans la clairière depuis
les arbres alentour.
Elle serpentait en volutes grises, tâtant le terrain autour
des troncs d’arbres, s’écoulant sur les racines et les rochers, aussi
pénétrante que des doigts de fantôme. Ceux d’entre nous qui s’étaient assis à
table se sont levés comme un seul homme et ont regardé à l’ouest. Une grande
masse de fumée ardoise y labourait le ciel d’hiver. Alors même que nous restions
là, bouche bée, à la regarder, des cendres ont commencé à pleuvoir sur nous.
Quelqu’un a poussé un cri et Bran a grimpé sur la table.
Mains levées pour ordonner le silence, il s’est écrié : « Du
calme ! Restez calmes. Ne cédons pas à la panique avant d’avoir des
raisons de nous effrayer ; ensuite, mais ensuite seulement, nous y ferons
face avec tout le courage que recèlent nos cœurs. » Se tournant vers les
hommes, il a ajouté : « Iwan, Siarles, allez chercher les arcs. Will,
Tomas, Rhoddi, suivez-moi. Allons voir quel mauvais coup se prépare. »
Puis, aux autres : « Que ceux qui restent en arrière rassemblent des
réserves et se tiennent prêts à partir dans le cas où nous devrions fuir Cél
Craidd.
— Fais attention, Will, m’a dit Nóin en se mordant la lèvre.
— Un peu de travail avant le dîner. » J’essayais
de faire le bravache, mais la fumée de plus en plus épaisse et la cendre qui
pleuvait sur nos têtes m’emplissaient de terreur. « Je reviendrai avant
que tu ne te sois rendu compte que je suis parti. »
Iwan et Siarles sont revenus et ont distribué les arcs et
les faisceaux de flèches. J’ai passé l’arc cordé en bandoulière, puis attaché
un faisceau de flèches à ma ceinture. Laissant la population de Cél Craidd aux
bons soins d’Angharad et de Tuck, nous sommes partis sur la piste. Nous
suivions le nuage de fumée que le vent portait depuis l’incendie –
l’obscurité s’accentuait à chacun de nos pas, à mesure qu’il s’épaississait.
Avant longtemps, nous avons dû nous arrêter pour mouiller le bord de nos capes
et les enrouler autour de nos visages afin de ne pas respirer ces nuées
étouffantes.
Nous avons poursuivi notre progression à travers ce
crépuscule surnaturel, pour bientôt voir des flammes jaune orangé danser
au-delà des arbres devant nous. Le feu produisait un vent qui soufflait en
rafales soudaines, et nous pouvions sentir la chaleur laper nos mains et nos
visages. Le fracas de l’incendie, telle la houle qui s’abat sur le rivage,
couvrait tout autre son.
« Par ici ! » nous a pressés Bran en quittant
la piste pour prendre la direction du mur de feu.
Œuvrant vite et en silence, nous avons atteint un
emplacement que les flammes avaient déjà brûlé. Et là, sur le sol carbonisé
toujours fumant, se tenait un groupe de soldats ffreincs – huit en tout,
qui rôdaient à proximité d’un chariot tiré par deux mulets, sur lequel
s’entassaient des tonneaux d’huile. Certains d’entre eux portaient des torches.
Les autres tenaient des lances. Tous avaient des tenues de combat ;
casques d’acier arrondis, épée attachée à la ceinture ; leurs boucliers
étaient appuyés contre la base du chariot.
Nous nous sommes laissé tomber à terre, puis nous avons
rampé hors de vue derrière l’écran de fumée et de flammes.
« Les hommes du shérif, a craché Siarles.
— En train d’essayer de nous incendier, a remarqué
Tomas, et le jour de Noël, les soudards. Pas très gentil, si vous voulez mon
avis.
— On s’en occupe, Bran ? a demandé Rhoddi.
— Pas encore. Pas avant de savoir combien ils
sont. » Se tournant vers moi et Rhoddi, il a ajouté : « Vous deux,
allez avec Iwan. Siarles et Tomas viennent avec moi. Allez au bout jeter un
coup d’œil. » Il a désigné l’endroit dans les bois où le mur de flammes
brûlait le plus fort. « Ensuite, revenez ici. Nous ferons de même. »
Rhoddi et moi nous sommes mis au pas derrière Iwan, et,
ainsi, nous avons longé le mur de flammes sur quelques centaines de pas.
Baissés pour mieux nous préserver de la fumée, nous avons rampé à quatre pattes
jusqu’aux abords des flammes. Dix soldats ffreincs se trouvaient là – deux
avec des torches, et trois avec
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