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1914 - Une guerre par accident

1914 - Une guerre par accident

Titel: 1914 - Une guerre par accident Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Georges Ayache
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militaire russe, le comte Ignatiev s’était présenté
à l’Hôtel de Brienne, résidence du ministre de la Guerre. La lourde insistance
des Russes était à la mesure de leur inquiétude.
    À l’issue du bref entretien, Messimy avait téléphoné à
Viviani qui était dans un état de nervosité tel qu’il avait fini par en perdre
le sommeil. Le chef du gouvernement avait réagi à sa façon, inimitable :
    — Bon Dieu ! Ces Russes sont encore plus
noctambules que buveurs [264]  !
    Et Viviani de se prendre à philosopher tout en raccrochant
le téléphone :
    — Du calme, du calme et encore du calme ! [265]
    *
    Le matin même, la Banque de France publia un communiqué où
il était dit qu’elle ne paierait pas aux déposants plus de cinquante francs en
or, une fois par quinzaine. Au palais Brongniart, la Bourse accusa une baisse
sensible de la plupart des valeurs habituellement prisées des courtiers. Pour
la première fois, le mot « guerre » fit son entrée dans le sanctuaire
de la finance parisienne. Son écho se propagea faubourg Montmartre jusqu’aux
Grands Boulevards.
    *
    Sur la plage de Peterhof, le tsar Nicolas avait passé une
partie de la journée à se promener en rêvassant. Le spectacle des vagues d’un
bleu d’acier venant mourir sur la grève avait une vertu apaisante. Non loin de
là, les gardes chargés de sa sécurité étaient sur le qui-vive. Depuis que la
crise avait pris une tournure aiguë, l’Okhrana avait fait venir des renforts de
Saint-Pétersbourg.
    Le soir, le tsar nota dans son Journal  :
« Une journée grise, en harmonie avec mon humeur [266] . »

VI
Les lions de Trafalgar Square
    Il y a des heures où Dieu se lasse de la partie et jette les
cartes sous la table.
    Martin Luther
Saint-Pétersbourg, 1 er  août, midi
    Dieu sauve le tsar ! Les paroles de l’hymne
impérial étaient plus que jamais d’actualité. L’ultimatum de l’Allemagne à la
Russie expirait à cet instant même.
    Sazonov ne savait plus à quel saint se vouer, passant de
l’euphorie à l’abattement plusieurs fois par jour. On eût dit un homme errant
dans un cauchemar. La veille encore, il s’était repris à espérer lorsque
Nicolas II, en début d’après-midi, avait adressé une nouvelle dépêche au
Kaiser. Serguei Dimitrievitch, une fois encore, lui avait tenu la plume :
« Je comprends que Tu sois dans l’obligation de mobiliser. Mais je
voudrais avoir de Toi la même garantie que celle que je T’ai donnée, à savoir
que ces mesures ne signifient pas la guerre et que nous continuons à négocier [267] . »
    Sazonov ne saurait jamais qu’à Berlin, à la réception de
cette dépêche, Jagow et Zimmermann s’étaient précipités au château impérial
pour tenter enfin d’enrayer le processus infernal. En vain. Ils s’étaient fait
rabrouer sèchement par les généraux.
    L’Allemagne, à présent, faisait dépendre la guerre ou la
paix de l’arrêt de la mobilisation russe. Le tsar avait tenté de convaincre
Pourtalès :
    — Vous avez été officier. Vous savez par conséquent que
de tels ordres ne peuvent être suspendus d’une heure à l’autre, sans péril [268] .
    Pourtalès n’avait pas bronché. Les ordres. Sazonov, lui,
s’était trouvé un bouc émissaire en la personne de l’ambassadeur
d’Autriche-Hongrie, le comte Szapary :
    — La Russie ne bougera pas tant qu’il y aura des
négociations avec Vienne. D’ailleurs, c’est vous qui avez mobilisé les premiers !
    Le vieil ambassadeur avait failli s’étrangler d’indignation.
La mobilisation russe était antérieure, au mieux de douze heures et au pire de
quatre jours, à celle de l’Autriche…
    Sazonov, emporté par sa mauvaise foi :
    — Et puis qu’importe cette chronologie [269]  !
    Les cloches de midi sonnèrent, à la chapelle de Peterhof. Le
tsar se dit que plus rien désormais ne pourrait arrêter le destin. Celui de la
Russie. Le sien ?
    Il était sept heures du soir lorsque le comte Pourtalès
se présenta au ministère des Affaires étrangères. Tout diplomate redoute de se
retrouver un jour en pareille situation et Pourtalès n’y faisait pas exception.
Il était dans un état second quand il sortit de sa poche le texte de la
déclaration de guerre. Elle se terminait par cette phrase d’un autre
temps : « Sa Majesté l’empereur, mon auguste souverain, au nom de
l’Empire, relève le défi et se considère en état de guerre avec la Russie [270] . »
    Sazonov

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