Alexandre le Grand "le fils du songe 1"
cérémonie et s'allongea non loin de son père au cours du banquet qui s'ensuivit.
En revanche, Olympias et ses dames de compagnie avaient été placées du côté opposé, à l'autre extrémité de la salle. La princesse Cléop‚tre qui, disait-on, ne s'entendait pas avec Eurydice, avait préféré rester auprès de sa mère.
Les lits avaient été disposés sur les quatre côtés d'un rec tangle. Au fond à droite, un unique passage avait été pratiqué à l'intention des cuisiniers qui apportaient les plats, et des serviteurs qui ne cessaient de verser le vin et de nettoyer le sol o˘ les convives jetaient les restes.
Un groupe de fl˚tistes avait commencé à jouer et des dan 186 Al.FXANT)R~ l.R ~ ~n I ~.E FILS DU SONGE 187
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seuses évoluaient entre les tables, ainsi que dans l'espace ouvert au milieu du grand rectangle. L'atmosphère s'animait et Alexandre, qui n'avait pas bu une seule goutte de vin, surveillait discrètement sa mère. Elle était splendide et altière, le visage p‚le, le regard glacial; on aurait dit qu'elle dominait cette sorte de bacchanale, le vacarme des ivrognes et la musique stridente des fl˚tistes, comme la statue d'une implacable divinité de la vengeance.
Elle ne but ni ne mangea au cours du repas, tandis que Philippe s'abandonnait à toutes sortes d'intempérances, aussi bien avec sa jeune épouse, qui se cachait derrière des petits rires complaisants, qu'avec les danseuses qui passaient à
côté de lui. Les autres convives l'imitaient, en particulier les Macédoniens.
Puis vint le moment des toasts; selon le cérémonial, le beau-père devait prononcer, le premier, des voeux de bonheur. Attale était aussi ivre que les autres: il se dressa en vacillant et leva sa coupe remplie de vin, aspergeant son coussin brodé et ses voisins. Puis, d'une voix p‚teuse, il parla: " Je bois au couple royal, à la virilité de l'époux et à la beauté de la mariée.
Puissent les dieux donner un héritier légitime au royaume de Macédoine ! "
Aucune phrase n'e˚t pu être plus malheureuse: elle alimentait les rumeurs qui circulaient parmi la noblesse macédonienne au sujet de l'infidélité de la reine et blessaient cruellement l'héritier désigné.
Olympias blêmit. Tous ceux qui avaient entendu clairement le voeu d'Attale se turent aussitôt et se tournèrent vers Alexandre qui avait bondi, le visage cramoisi, en proie à l'un de ses terribles accès de colère.
" Espèce d'idiot! hurla-t-il. Fils de chien! Et que suisje, alors ? Un b‚tard ? Ravale tes paroles ou je t'égorge comme un cochon ! " Et il dégaina son épée pour mettre ses menaces à
exécution
Furieux qu'Alexandre injurie son beau-père et lui g‚che ses noces, Philippe brandit à son tour son épée et se jeta sur lui.
La salle se remplit de cris, les danseuses prirent la fuite et les cuisiniers se cachèrent sous ]es tables pour se protéger de l'ouragan qui allait s'abattre.
i Mais alors qu'il tentait de sauter d'un lit à l'autre pour ~ejoindre son fils qui l'attendait, impassible, Philippe glissa et -s'écroula bruyamment sur le sol, entraînant dans sa chute
appes, couverts et assiettes, restes de nourriture, et atterris sant dans une mare de vin rouge. Il essaya de se relever, mais il dérapa une nouvelle fois et tomba la tête la première.
~ Alexandre s'approcha de lui, l'épée au poing, tandis qu'un silence de mort s'abattait sur la salle. Les danseuses trem blaient dans un coin de la pièce. Attale était aussi p‚le qu'un linge, un filet de salive coulait à la commissure de ses lèvres entrouvertes. La jeune mariée pleurnichait: "
Arrêtez-les, au nom des dieux, qu'on fasse quelque chose !
--Le voilà, regardez-le ! s'exclama Alexandre avec un rire moqueur.
L'homme qui veut passer de l'Europe à l'Asie n'est même pas capable de passer d'un lit à l'autre sans se casser la figure ! "
Philippe rampait dans la flaque de vin et les restes du repas en grondant: " Je vais te tuer ! Je vais te tuer ! "
Mais Alexandre ne broncha pas. " Ce serait déjà bien si tu parvenais à te lever ", affirma-t-il. Puis il lança aux serviteurs: a Relevez-le et nettoyez-le. "
Il rejoignit ensuite Olympias. " Partons, mère. Tu avais raison, nous n'avons plus notre place ici. "
Alexandre sortit rapidement du palais en tenant sa mère par la main, poursuivi par les hurlements furieux de Philippe. Dès qu'ils furent arrivés dans la cour, il lui demanda:
" Te sens-tu capable de monter à cheval,
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