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Alias Caracalla

Alias Caracalla

Titel: Alias Caracalla Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Daniel Cordier
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tourne le dos à la
cheminée où flambent de larges bûches que, silencieusement, je fonds en larmes.

    Demain, je ne serai pas le seul à éviter les regards
de camarades qui auront, comme moi, « visité »
leur famille.

    Lundi 6 janvier 1941

     

    Vacances en exil

    Le jour de l’an, j’ai obtenu ma deuxième permission d’une semaine, à Londres. Les Zonneveld
m’ont invité de nouveau pour les fêtes.

    Plus encore qu’en septembre, leur appartement
m’est apparu d’un confort féerique, après les semaines glacées d’Old Dean. En dépit de quartiers en
ruine, Londres demeure bien vivant.

    Mes hôtes ne savaient qu’inventer pour me distraire. Chaque jour, nous visitions de nouveaux
quartiers, dont ils m’expliquaient l’intérêt historique : Tower Bridge, Hampton Court, les églises, les
maisons anciennes, les cimetières…

    Nous déjeunions dans des restaurants célèbres
( Café Royal , Claridge , Ritz ). L’après-midi ou en soirée, nous allions au concert à l’Albert Hall ou à
Covent Garden.

    Ces amis chers se comportent en parents attentifs. Le fort accent américain de Mme Zonneveld
m’enchante, corsant ses reparties parfois cocasses.
Au cours d’une de nos conversations, alors que
j’affirmais que Dieu favorise la victoire de laFrance, elle lança : « Les hommes sont si méchants
que Dieu est dégoûté de tout le monde. »

    Mardi 7 janvier 1941

     

    Retour au camp

    Mes vacances s’achèvent. C’est la première fois
que je suis séparé aussi longtemps de mes camarades. Le plaisir du retour me révèle la place qu’ils
occupent dans mon existence ; non seulement les
intimes, comme Briant ou Guéna, mais tous les
autres. Au départ, nous étions liés par notre serment de venger la France. Avec le temps, un sentiment secret, encore plus exigeant, nous unit : la
solitude de l’exil.

    Mercredi 8 janvier 1941

     

    La France libre

    Briant a rapporté de ses vacances deux numéros
de la revue La France libre , dont le premier est paru
au mois de novembre. Il pense qu’elle est éditée par
notre mouvement, bien qu’elle ne soit pas en vente
dans le camp.

    J’ai lu quelques semaines auparavant dans France un article du directeur, André Labarthe, expliquant
qu’elle serait consacrée à la bataille d’idées et à la
défense de valeurs. Nous connaissions déjà son
nom par ses discours à la radio, qui l’ont rendu
impopulaire parmi nous à cause de ses référencessystématiques à la gauche et au Front populaire. Le
rédacteur en chef, René Avord, nous est inconnu.

    Le premier article que je lis est une « Chronique de France » décrivant la vie quotidienne du
pays. L’auteur explique que le découpage du territoire a transformé un pays riche en pays pauvre, la richesse étant au nord confisquée par les
Allemands.

    L’article donne beaucoup de chiffres : près de
deux millions de soldats prisonniers en Allemagne,
autant de démobilisés, trois millions et demi de
réfugiés rapatriés en zone occupée, trois mille cinq
cents ouvrages d’art détruits, 90 % de brèches dans
les voies ferrées, 80 % des circuits électriques
détruits…

    L’article conclut :

Dépouillés de matières premières et même de
nourriture, accablés par le chômage, les Français
sont progressivement contraints par la technique
hitlérienne d’accepter une collaboration qui dissimule la pure et simple intégration de la France
dans l’économie de guerre germanique.

    Les « responsabilités de la guerre », sujet occulté
dans la France du désastre, mais omniprésent dans
les conversations entre camarades, sont aussi examinées par La France libre . Nous nous réjouissons
d’apprendre qu’un procès est en préparation.
Comme l’écrit la revue :

Elle [la France] a lieu de maudire ceux qui
n’avaient pas su lui forger des armes, mais non
de rougir d’avoir combattu pour la liberté de
l’Europe .

    Un autre article, « La capitulation », signé par
René Avord, traite du problème qui en découle. Je
n’ai encore rien lu sur ce sujet. Quelles manœuvres,
tractations, trahisons y ont conduit ? La première
question de René Avord n’est autre que celle que
nous nous posons en vain depuis six mois :

Par quelle aberration, sous le coup de quel
malheur, les ministres ont-ils décidé et le peuple
accepté de sacrifier les dernières armes de la
France à l’illusion d’un accord loyal entre soldats ? […] Et pourtant, quelle

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