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Antidote à l'avarice

Antidote à l'avarice

Titel: Antidote à l'avarice Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Caroline Roe
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la nuit. La paillasse de l’intendant était douce et épaisse, et il dormit à poings fermés. Dans la grande salle, Yusuf s’était allongé aux côtés de son maître et dormait lui aussi profondément. Les serviteurs installés dans l’écurie avaient plus de chance que leurs maîtres : les murs de pierre en étaient aussi résistants que ceux du château, et, à l’instar de Yusuf et du garde, ils étaient trop épuisés pour se préoccuper du mauvais temps. Couchés dans le foin, ils partageaient la chaleur des bêtes qui vivaient à l’étage inférieur ; pour lutter contre la froidure du vent, cela valait mieux qu’une douzaine d’âtres allumés.
    Tous n’avaient pas cette chance. Dans la petite pièce qu’elle partageait avec sa mère et Naomi, Raquel écoutait le vent et la pluie. Elle regrettait de ne pas avoir été autorisée à rester à la maison et de devoir se marier. Puis elle songea à la douleur qu’elle avait remarquée sur le visage de Daniel et repensa à toutes les fois où il l’avait trouvée malheureuse et où ses traits d’esprit lui avaient arraché un sourire. Elle qui priait pour ne pas se marier ajouta « pas encore » à sa supplication.
    La situation de l’évêque n’était pas meilleure. Confortablement installé dans les appartements privés du châtelain, il était trop las et trop soucieux pour dormir, et c’est à envisager l’avenir qu’il consacra les longues heures qui le séparaient de l’aube.
     
    Mercredi 23 avril
     
    Il tombait un crachin pénétrant quand les mules furent attelées aux chariots. Dans la cour, marcheurs et cavaliers étaient prêts. L’air morose, ils abaissèrent leur capuche sur leur front et attendirent que Berenguer fît ses adieux à leur hôte quelque peu soulagé. Enfin, il descendit les marches et se mit en selle.
    — Nous pouvons partir, ordonna-t-il avec énergie, et sa mule, aussi impatiente que son maître, démarra au trot.
    Au-dessus de la première colline les nuages se dissipèrent et la pluie s’arrêta. À l’horizon, le ciel s’éclaircissait.
    — Je crois, dit Raquel, toute joyeuse, à personne en particulier, que nous aurons finalement une belle journée.
    — Je suis trempée jusqu’aux os, se plaignit sa mère. Et il y a un détestable vent froid.
    — Le soleil et le vent vous sécheront bientôt. Vous êtes également trempé, papa ?
    Son père ne lui répondit pas.
    — Papa ? Êtes-vous trempé ?
    Il sursauta.
    — Trempé ? Pas que je sache. Non, Raquel, je me disais que ce temps était néfaste au genou de Son Excellence. Il doit souffrir après le long trajet d’hier.
    — S’asseoir sur une mule pendant quelques heures exige peu d’efforts, papa. Et vous savez que le genou de l’évêque va beaucoup mieux. Pourquoi êtes-vous si préoccupé ?
    — Ah, Raquel, tu ne comprends pas, dit-il avec brusquerie. C’est l’ennui, ma chérie. Je n’ai pas l’habitude de n’avoir qu’un seul patient, surtout quand il est aussi robuste que Son Excellence.
    — Nous pourrions peut-être convaincre quelques serviteurs de tomber malade pour vous satisfaire, lui lança Judith.
    Il accepta volontiers cette réprimande.
    — Vous avez raison, ma mie. Je devrais me réjouir de ce répit, même si je ne l’ai pas choisi. Hélas, ce n’est pas le cas, mais je ne voudrais pas que quelqu’un tombe malade pour satisfaire mon désir d’activité.
    Raquel s’ennuyait, elle aussi, et ne s’intéressait pas au désœuvrement de ses parents. Elle soupira.
    — Je me demande quand nous verrons la mer. Quand la verrons-nous, maman ?
    — Je l’ignore, ma fille. Je ne chevauche pas ainsi chaque jour. Mais ce que je sais, c’est que tu commences à parler comme ton petit frère quand le temps est à la pluie.
    — Vers l’heure du dîner, je pense, maîtresse Judith, dit le sergent qui était arrivé à leur hauteur. Entre la pluie, la boue dans la cour et la mauvaise humeur de chacun, nous nous sommes mis tard en chemin.
    Et puis, au-dessus d’eux, le soleil creva la couverture de nuages. Un son aigrelet s’élevait sur la route, devant eux.
    — Regardez, fit Raquel.
    Andreu et Felip marchaient en tête de la colonne entourés d’une petite cour d’admirateurs. Andreu jouait une danse joyeuse sur un chalumeau aigrelet, accompagné au rebec par Felip.
    — C’est Andreu, papa, qui joue du flûtiau. Et un des serviteurs s’est mis à danser.
    Elle plaça sa main en visière pour

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