Azincourt
trop royal
pour ne pas dire un mot ou deux à des gens du commun comme toi ou moi,
s’amusa-t-il. Alors, il va te trouver un nouveau seigneur ?
— C’est ce qu’il a dit.
— Eh bien, espérons que ce ne
soit pas sir John.
— Sir John ?
— C’est un mauvais enragé qui
te fera tuer en un rien de temps, gloussa Venables. Tiens, le père Ralph te
cherche.
Le prêtre était sorti sur le seuil
et lui faisait signe. Hook retourna donc terminer son récit.
— Par les larmes du Christ,
pauvre pet foireux ! Pare, mais pare donc ! Ne l’agite pas ainsi
comme un vit mollasson ! Pare et viens sur moi ! gronda sir John
Cornewaille.
Il abattit de nouveau son épée sur
la taille de Hook, mais cette fois celui-ci parvint à parer le coup et
s’avancer, pour être accueilli par le poing gainé de maille de sir John.
— Continue, ordonna sir John.
Redouble d’assauts, fais-moi tomber et achève-moi ! (Hook préféra reculer
et lever son épée pour parer un nouveau coup.) Au nom du Christ, mais qu’as-tu
donc ! brailla sir John. Est-ce cette putain française qui t’a
ramolli ? Cette carcasse vérolée et sans tétons ? Par le sang du
Christ, mon garçon, trouve-toi une vraie femme ! Goddington !
cria-t-il à son centenier, va donc écarter les jambes maigres de cette galeuse
et vois si tu peux la trousser !
Hook éprouva un soudain accès de
colère et se jeta sur sir John, mais l’homme s’écarta souplement et lui assena
un coup du plat de sa lame sur l’arrière du crâne. Hook se retourna, tenta de
le faucher, mais sir John para sans peine. Il portait son armure entière mais
se déplaçait avec la légèreté d’un danseur. Hook se rappela son conseil et
esquiva l’attaque avant de se jeter sur son adversaire de tout son poids et de
lui faire mordre la poussière, mais il prit un coup du pommeau de l’épée de son
maître et s’affala tête la première dans les premiers chaumes de l’hiver.
Il n’entendit guère les paroles de
sir John tant la tête lui tournait, mais il reprit ses sens pour saisir un peu
de son discours.
— On peut sentir la colère
avant le combat ! Mais pendant la bataille, on garde l’esprit clair !
La colère te vaut la mort. Lève-toi. Ta maille est sale, va la nettoyer. Et ton
épée est piquée de rouille. Je te ferai donner les étrivières si elle l’est
encore au coucher du soleil.
— Il ne te les fera pas donner,
confia Goddington à Hook dans la soirée. Il t’assommerait, te taillerait en
pièces et te romprait les os, mais ce serait en combat d’homme à homme.
— Je les lui briserais,
répondit Hook, vengeur.
— Un seul homme, Hook, un seul
a tenu sir John en échec ces dix dernières années, s’esclaffa Goddington. Il a
remporté tous les tournois d’Europe. Tu ne le battras pas, et de loin. Il est
invincible.
— C’est un sottard !
Il avait encore le crâne
ensanglanté. Mélisande nettoyait son haubert et il raclait son épée à l’aide
d’une pierre. Cotte et arme lui avaient été fournis par sir John.
— Il t’aiguillonnait, mon
garçon, ce n’était rien. Il insulte tout le monde, mais si tu es son homme, et
tu le seras, il se battra pour toi aussi. Et pour ta femme.
Le lendemain, Hook regarda sir John
défaire les archers les uns après les autres. Quand vint son tour, il parvint à
porter une dizaine de coups avant de tomber à son tour. Sir John recula, son
visage balafré rempli d’un mépris qui fit se relever Hook. Il se précipita
sauvagement sur lui, ce qui lui valut une cuisante entaille de l’épée que sir
John jeta avec dédain avant de l’envoyer de nouveau à terre.
— La colère, Hook, gronda sir
John. Si tu ne t’en rends point maître, elle te tuera, et un archer mort ne
m’est d’aucun usage. Combats de sang-froid, et durement. Sois habile !
Mais tu es vif, Hook, continua-t-il en lui tendant la main pour le relever à sa
grande surprise. Tu es vif, et c’est bien.
Sir John paraissait proche des
quarante ans, mais c’était encore le plus redouté dans les tournois. Râblé et
fort charpenté, il avait les jambes arquées par les années passées en selle,
des yeux d’un bleu vif et un visage au nez cassé couturé de cicatrices
récoltées dans les tournois, les tavernes et les combats contre rebelles et
Français. Pour l’heure, en prévision de la guerre avec la France, il levait une
compagnie d’archers et une autre d’hommes d’armes, bien qu’ils
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