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Bonaparte

Bonaparte

Titel: Bonaparte Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: André Castelot
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fût-ce Louis XVIII, fût-ce Louis XIV, ne pourrait gouverner en ce moment la France.
    Cependant, si le Prétendant était un autre homme que le comte de Provence ? Bonaparte accepterait-il une charge de connétable ?
    — Si c’était un grand prince qui dût régner, s’il avait fait de grandes choses, s’il était comme le duc d’Enghien après la bataille de Rocroy, je me ferais honneur de servir sous lui, je ne balancerais pas à lui remettre un sceptre dont il serait digne ; mais on ne connaît pas le Roi : il est à Mitau, qu’il y reste.
    Laisser sa place à un autre ? Même à un génie ? Assurément il ne parlait point sincèrement ce jour-là. Il faut plutôt le croire lorsqu’il s’exclamait :
    — Si je restaure les Bourbons, ils m’élèveront une statue et mettront mon corps dans le piédestal !
    Quant à Louis XVIII, il déclarait :
    — Buonaparte est aujourd’hui le plus grand des guerriers dont la France s’honore ; il en sera le sauveur... La manière dont il m’a répondu ne m’empêchera pas assurément de lui adresser une nouvelle lettre.
    Lorsque Joséphine – ou d’autres – parlent au consul de l’épée de connétable qui lui irait « fort bien », Bonaparte hausse les épaules :
    — Je pourrais rappeler le roi et le faire monter sur le trône. J’y parviendrais en six mois. Mais à quoi cela servirait-il ? La difficulté n’est pas de rétablir le roi, mais la royauté.
    Le matin où il se présente devant sa femme, revêtu pour la première fois de son costume rouge brodé d’or de Premier consul il lui demanda :
    — Comment trouves-tu que me va cet habit ?
    Elle répondit – sincère :
    — Moins bien que celui de connétable !
    On lui avait proposé de se coiffer, en sa qualité de consul, d’un bonnet rouge, mais il avait répondu – et ceci était également une profession de foi :
    — Ni bonnet rouge, ni talon rouge !
    Il était l’avenir et rien du passé ne pouvait lui convenir... Pensait-il déjà à ceindre lui-même la couronne ? George Washington venait de s’éteindre dans sa chère propriété du Mount Vernon, devant ce merveilleux paysage du large Potomac coulant vers son embouchure entre ses collines boisées. Voici ce qu’il pourrait peut-être devenir pour la France : « un Washington ». Certains le pensaient.
    — Si j’eusse été en Amérique, dira-t-il plus tard, volontiers j’eusse été aussi un Washington, et j’y eusse eu peu de mérite ; car je ne vois pas comment il eût été raisonnablement possible de faire autrement. Mais si lui se fût trouvé en France, sous la dissolution du dedans et sous l’invasion du dehors, je lui eusse défié d’être lui-même, ou s’il eût voulu l’être, il n’eût été qu’un niais, et n’eût fait que continuer de grands malheurs. Pour moi, je ne pouvais être qu’un Washington couronné.
    Et c’est bien dommage ! Peut-être, pour sa gloire, aurait-il mieux valu que Bonaparte ne coiffât point la couronne. La France – elle l’a prouvé sous le Consulat, qui fut un gouvernement de gauche sans étroitesse de vues – aurait parfaitement pu vivre commandée par un Washington non couronné. Quoi qu’il en soit, cette couronne « de gauche », il ne pouvait cependant point être question pour le futur empereur de la prendre dès maintenant. En février 1800, la mort de George Washington lui a permis simplement de parler « à toutes les troupes de la République » et d’évoquer la liberté : « Washington est mort. Ce grand homme s’est battu contre la tyrannie. Il a consolidé la liberté de sa patrie. Sa mémoire sera toujours chère au peuple français comme à tous les hommes libres des deux mondes, et spécialement aux soldats français qui, comme lui et les soldats américains, se battent pour l’égalité et la liberté. En conséquence, le Premier consul ordonne que, pendant dix jours, des crêpes noirs seront suspendus à tous les drapeaux et guidons de la République. »
    Dix jours plus tard – le 17 février – le deuil est terminé et Bonaparte, premier pas vers cette « tyrannie » évoquée à l’occasion de la mort du grand Américain, décide d’aller s’installer aux Tuileries. À plusieurs reprises, il a parcouru le château et ordonné de badigeonner les murs couverts de graffiti révolutionnaires et de bonnets rouges. Bourrienne l’a entendu dire à Lecomte, alors architecte des Tuileries :
    — Faites-moi disparaître tout cela, je ne veux pas de

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