Bonaparte
l’autre du nom de Saint-Paul. Vous ferez écrire, en lettres d’or, sur la poupe de chacun : Dowvé par le Premier consul Bonaparte au Pape Pie VIL »
Cette même année 1802, un scandale éclate lors de l’enterrement d’une jeune ballerine de l’Opéra, Mlle Chameroy. Le curé de Saint-Roch refuse l’accès de son église à la dépouille d’une femme « qui, par sa profession, affirme-t-il, était excommuniée ». Aussitôt Bonaparte écrit à Portalis : « Le curé de Saint-Roch, Citoyen Ministre, s’est très mal conduit, religieusement et politiquement. Faites donner des ordres par l’archevêque de Paris pour que ce curé soit mis deux ou trois mois au séminaire, et que des mesures soient prises pour que de pareilles scènes ne se renouvellent plus désormais. Il ne vous sera pas difficile de faire sentir que, si tous les artistes des théâtres de Paris se faisaient protestants, ce serait une chose nuisible pour l’Église, et que ce préjugé, d’ailleurs, qui existait autrefois, est aussi injuste qu’absurde. »
Il méprise l’esprit étroit de certains membres du clergé.
Après avoir lu les observations que le roi d’Etrurie a éprouvé le besoin d’envoyer « à son ami le Premier consul », il les renvoie aux Archives, avec cette apostille de sa main : « Bon à conserver comme un monument de la bêtise des rois, lorsqu’ils se livrent aux prêtres. »
Talleyrand le reconnaîtra : « Lorsque, en 1802, Napoléon rétablit le culte en France, il a fait non seulement acte de justice, mais aussi de grande habileté... Le Napoléon du Concordat, c’est le Napoléon vraiment grand, éclairé, guidé par son génie. »
Le génie de Bonaparte ne s’est pas seulement manifesté à propos des questions religieuses. Le Code civil reste l’une des plus évidentes manifestations de son génie. Napoléon disparaîtra, son empire s’écroulera, mais sa pensée continuera à régir les peuples.
À son retour de Marengo, Cambacérès lui avait exposé les projets de loi qu’il avait rédigés et qui avaient été autrefois débattus devant la Convention. Bonaparte l’en avait félicité :
— J’ai lu. Il y a là un esprit d’analyse dont j’ai été satisfait... Vous avez fait plusieurs codes, ne pensez-vous pas qu’il serait utile de les refondre et de présenter au Corps législatif un projet qui fût à la hauteur des idées du siècle et digne du gouvernement ?
La Justice ne serait qu’un mot vide de sens si le Consulat ne lui donnait point une arme, c’est-à-dire des lois. Animée par Bonaparte, conduite par Cambacérès, une Commission commence son immense travail : il en sortira un jour le Code civil qui deviendra le Code Napoléon.
« Dès la première réunion, Bonaparte s’explique en des termes positifs, rapporte Cambacérès, sur la nécessité de donner plus d’intensité à l’autorité paternelle, sur l’utilité de revoir la loi du divorce, sur la libre disponibilité des biens, sur l’adoption... Tout ce qu’il dit étant plein de raison, je ne manquai pas d’y applaudir. »
Il préside plusieurs fois par semaine les séances. B. de Molleville, l’ancien ministre de Louis XVI, nous avoue sa stupéfaction en écoutant le Premier consul discourir : « Mais où diable avait-il appris tout cela ? », se demandait-il. Lorsqu’on discute l’article du Code concernant l’obéissance de la femme à son mari, on entend Bonaparte préciser :
— Ce mot est bon pour Paris surtout où les femmes se croient en droit de faire tout ce qu’elles veulent. Je ne dis pas que cela produira de l’effet sur toutes, mais il en produira sur quelques-unes.
Et comment peut-on contraindre une femme à regagner le domicile conjugal qu’elle a abandonné ?
— D’abord, propose le grave et savant Merlin, on la sommera.
— Comment ! s’exclame le Premier consul, mais nous ne plaisantons pas ici. Nous discutons sérieusement.
— Je ne plaisante en aucune manière.
— Vous ne plaisantez pas ! Et quand on l’aura assommée, on sera bien avancé.
Tous éclatent de rire. Bonaparte, auteur de ce calembour involontaire, prend part à la gaieté générale. « Elle fut telle, nous dit Réal, qu’il y eut nécessité de renvoyer la discussion au lendemain. »
Les séances du Conseil d’État le passionnent encore bien davantage. Il s’y rend entouré d’un certain cérémonial. Le tambour, au bas de l’escalier des Tuileries, annonce son approche. Il entre suivi
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