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Bonaparte

Bonaparte

Titel: Bonaparte Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: André Castelot
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payé une partie du sang de deux millions de citoyens français qui ont péri dans cette guerre. On verra par les papiers saisis chez lui qu’il n’était établi à Ettenheim que pour être à portée d’entretenir une correspondance à l’intérieur de la France. Je l’ai fait arrêter dans le margraviat de Bade. Qui sait si je n’aurais pas pu faire également enlever à Varsovie les autres Bourbons qui s’y trouvent ?
    Le même soir, pour prendre le pouls de la capitale, il se rend à l’Opéra avec Joséphine. « De l’air de quelqu’un qui marche au feu d’une batterie », il s’avance vers le devant de la loge. Les applaudissements crépitent. Ainsi, selon le mot de Chateaubriand, le vent avait soufflé et tout était fini.
    Cependant, à Saint-Cloud, en apercevant un buste du Grand Condé placé dans un passage conduisant à son cabinet, il ordonna, d’un ton brusque et d’une voix agitée :
    — Qu’on porte ce buste ailleurs !
    Dix jours avant de mourir, Napoléon fit rouvrir son testament et ajouta ces lignes :
    « J’ai fait arrêter et juger le duc d’Enghien parce que c’était nécessaire à la sûreté, à l’intérêt et à l’honneur du peuple français, lorsque le comte d’Artois entretenait, de son aveu, soixante assassins dans Paris. Dans une semblable circonstance, j’agirais encore de même. »
    Après cet aveu, il serait puéril de reprocher à Savary sa hâte trop féroce et à Réal son sommeil trop profond. La nuit de Vincennes est bien l’oeuvre de Bonaparte. C’est lui – et lui seul – qui, en pleine conscience, a fait du duc d’Enghien « de la poussière avant le temps ».
    Le roulement du feu de peloton de Vincennes se fait entendre à travers toute l’Europe. Les Russes sont les plus révoltés. Ceux qui, avec l’accord d’Alexandre, ont massacré quatre ans auparavant – et de quelle manière ! – le tsar Paul I er , fustigent « le plus lâche des usurpateurs, ce vrai tigre qui gouverne la France ».
    Le Tsar, qui ordonne à sa cour de prendre le deuil – alors qu’il n’a avec les Bourbons aucun lien du sang – entraîne l’Europe dans une véritable croisade contre « le chef des brigands, le monstre tapi dans son repaire des Tuileries ». Mais l’Autriche, bien que « troublée à la nouvelle du drame de Vincennes », n’ose rien dire. Cobenzl l’avoua sans ambages : son pays « avait peur de Bonaparte ». Et la Prusse ? La reine de Prusse envisage un moment de prendre le deuil, mais son ministre, Hardenberg, ramène la souveraine aux réalités :
    — Notre situation, lui dit-il, ne semble pas permettre de s’y livrer à l’exemple de la Russie qui se trouve dans une situation si différente qu’il ne lui coûte rien de déployer ce sentiment, tandis que nous lui servons de boulevard.
    Le Tsar garde cependant l’espoir que l’Électeur de Bade, dont on a violé le territoire, sera poussé par la Diète germanique à faire davantage que la molle lettre de protestation écrite au lendemain du guet-apens d’Ettenheim. Il n’en fut rien : au seul nom de Bonaparte, l’Électeur était pris de tremblements. Quant aux Bourbons d’Espagne, de Naples et de Florence, ils se gardent même de prendre le deuil de leur cousin, et la reine d’Étrurie – reine de par la volonté de Napoléon – fait dire aux Tuileries que : « si quelque chose avait pu donner à la Reine de la consolation, en apprenant la mort de ce prince, c’était la manière délicate dont le Premier consul s’était servi pour lui faire part de cet événement ».
    La « cour de Pétersbourg » en fut donc pour les frais de son « incartade », selon l’expression de Napoléon, et c’est Talleyrand qui, tout en riant derrière son masque, eut le mot de la fin en écrivant au chancelier russe : « On peut se demander, si, lorsque l’Angleterre méditait l’assassinat de Paul I », on eût connaissance que les auteurs de ces complots se trouvaient à une lieue des frontières, on n’eût pas été empressé de les faire saisir. »

    Pour que la place soit nette, il ne reste plus qu’à faire le procès de Moreau, de Georges Cadoudal et de Pichegru. Le moral de ce dernier est au plus bas. Il se rend compte combien il a eu tort de quitter Londres. La France a adopté Bonaparte, l’aime, lui est reconnaissante d’avoir fait cesser l’anarchie. Une conspiration royaliste n’a plus aucune chance d’aboutir. Pichegru songe au suicide. Or, à ce moment même

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