Bonaparte
Bonaparte ; surveillance et jactance, c’est le cas.
L’un des corps autrichiens sera, en effet, fortement battu, l’autre se trouvera dans l’absolue nécessité de se retirer... La déroute de l’ennemi est complète.
— Quels sont vos aïeux ? demandera-t-on un jour à Napoléon.
— Ma noblesse date de Montenotte, répondra-t-il.
Cette première victoire prouve la valeur de son plan. Il s’agit maintenant d’élargir la brèche grâce au « coin » ainsi enfoncé dans le dispositif austro-sarde. C’est, le lendemain, le combat de Millesimo, qui va ouvrir les routes de Turin et de Milan. Le marquis de Provera, Lombard au service de l’Autriche, se réfugie avec son arrièregarde dans un vieux castel en ruine et s’y barricade solidement... Il faudra trois jours pour lui faire hisser le drapeau de la reddition, et le déloger.
Le 16 avril, l’armée française atteint les hauteurs de Montezemolo. Bonaparte découvre ce jour-là les immenses et fertiles plaines du Piémont où serpentent le Pô, le Tanaro et « une foule d’autres rivières. » Au loin, les Alpes neigeuses cernent à l’horizon cette terre promise qu’il a fait espérer à ses soldats depuis sa prise de commandement.
— Annibal a forcé les Alpes, s’exclame-t-il avec fierté. Nous, nous les aurons tournées !
Les Piémontais de Colli continuent à battre en retraite devant la poussée française. Après une poursuite – sous la pluie – après l’entrée de Sérurier à Ceva, Bonaparte atteint son adversaire devant Mondovi. Le 20 avril au soir, il apprend la « formidable » position tenue par les troupes piémontaises. « Environné de deux rivières profondes et torrentueuses, racontera Bonaparte, l’ennemi avait coupé tous les ponts et garni leurs bords de fortes batteries. » Il n’en donne pas moins l’ordre, le lendemain matin, à huit heures, de l’attaque générale. De la Chapelle de la Croix il a une vue d’ensemble de la bataille. Il faut d’abord emporter la redoute formant le centre du dispositif. Elle est enlevée, et, à dix-neuf heures, les Sardes ayant abandonné la petite ville, leur cavalerie en retraite vers Turin, c’est l’entrée triomphale à Mondovi. Soldats et Mondoviens crient : Vive la République ! et la troupe aide les habitants à planter des arbres de la liberté.
« Victoire ! Victoire complète ! » ainsi que peut l’écrire Joubert à son père.
Le matin du 23 avril, Bonaparte reçoit du général Colli une offre d’armistice. Il lui répond en lui posant ses conditions : la remise de trois forteresses : Alexandrie, Coni et Tortone. Ce même jour il annonce à Barras : « Jusqu’aujourd’hui, j’ai livré six batailles à l’ennemi. Je lui ai fait, en dix jours, deux mille prisonniers. Je lui ai tué six’mille hommes, pris vingt et un drapeaux et quarante canons. Tu vois que je n’ai pas perdu mon temps et que j’ai répondu à votre confiance. J’ai trouvé dans Mondovi des ressources considérables et qui me mettront à même de faire cesser le pillage horrible auquel se livre une troupe manquant de tout. » Mais les Autrichiens se renforcent tous les jours. Ils sont « forts, braves et bien outillés ». Et le vainqueur termine en implorant l’expédition de « grands secours pour ne pas être exposé à des revers ».
Le 25 avril, il envoie à Paris son frère Joseph ainsi que Junot, pour apporter au Directoire les vingt et un drapeaux pris à l’ennemi à Montenotte et à Mondovi. Le soir, sous une pluie toujours battante, il part pour Cherasco où il adressera, le lendemain, la célèbre proclamation à l’Armée d’Italie :
« Soldats ! Vous vous étiez, jusqu’ici, battus pour des rochers stériles, illustrés par votre courage, mais inutiles à la Patrie... Dénués de tout, vous avez suppléé à tout. Vous avez gagné des batailles sans canons, passé des rivières sans ponts, fait des marches forcées sans souliers, bivouaqué sans eau-de-vie et souvent sans pain. Les phalanges républicaines, les soldats de la liberté étaient seuls capables de souffrir ce que vous avez souffert ! Grâce vous en soit rendue... »
Et, après avoir rappelé qu’il leur demandait « de respecter les peuples » récemment « délivrés » et de cesser le pillage – celui-ci est réservé au gouvernement... – il lance ces phrases qui vont se marteler dans les mémoires comme avec un burin :
— Soldats ! La Patrie a le droit d’attendre de vous de grandes
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