Byzance
derrière tout ceci.
— Maria n’a rien à y voir. Et si je ne vous mets pas au courant des détails, c’est pour votre propre protection. Si mon plan échoue, moins vous en saurez, mieux ce sera. Je tiens seulement à ce que vous soyez prêt quand cela se produira.
Ce n’était pas tout à fait vrai, mais Haraldr n’avait pas assez confiance en Mar pour prononcer le nom de l’impératrice. Il était néanmoins important pour la sécurité de ses hommes liges que l’hétaïrarque soit au courant de la tentative.
— Prêt ? Nous ne sommes pas prêts. Si nous agissons sans des promesses fermes des Scholae, des Excubitores et des Hyknatoï, tout risque d’être perdu. Êtes-vous conscient des efforts considérables que j’ai fournis pour convertir plusieurs topotérétès à notre cause ? Je progresse. Mais vous allez vous jeter dans un précipice et entraîner avec vous le reste d’entre nous.
— J’ai des… garanties beaucoup plus sûres que celles de quelques topotérétès de la Taghmata.
Mar se détourna et lança un coup de pied à une pile de toiles de tente. Il avait accepté de rencontrer Haraldr dans l’entrepôt des sous-sols de la caserne de la Moyenne Hétaïrie. Il parcourut des yeux les sacs de matériel de campagne et d’armures de combat, ainsi que les rangées d’oriflammes de cérémonie posées contre le mur. Pour la première fois, il comprit à quel point le prince de Norvège était dangereux. Il se retourna vers Haraldr.
— Les vies de mille hommes sont en jeu. Vous avez intérêt à me donner le nom de vos alliés.
— Me croyez-vous capable d’entreprendre la moindre action qui mettrait en danger la vie d’un seul homme du Nord ? Je n’aurai aucun mal à régler le sort de Joannès à l’endroit où je projette de le faire. Et quand j’aurai réussi, j’ai des assurances que la Taghmata sera neutralisée. Je suis pratiquement certain qu’en voyant à quoi il faudrait s’attaquer elle ne se battra même pas. Et si elle prend les armes, nous l’écraserons.
— Et je suis supposé vous croire sur parole ? lança Mar en posant les mains sur ses hanches. Avez-vous oublié la leçon que je vous ai enseignée le soir de notre première rencontre ?
Haraldr se souvenait nettement de la facilité avec laquelle Mar l’avait terrassé.
— Avez-vous l’intention de m’arracher ces renseignements par la force ?
Mar s’avança vers lui.
— Cela dépend de vous, mon petit prince.
Haraldr avait presque décidé de tout révéler ; n’avait-il pas déjà confié à Mar la vie de ses hommes liges ? Mais l’intimidation physique de Mar le piqua.
— Essayez donc.
Cette fois Haraldr était prêt. Il contra l’attaque de Mar et le projeta contre une rangée d’étendards. Les hampes des drapeaux tombèrent en un bruit assourdissant et Mar rebondit contre le mur. L’instant suivant, il plongeait dans les genoux de Haraldr et l’envoyait à terre. Ils se débattirent, roulèrent sur eux-mêmes, et Haraldr se rappela ses bagarres avec Olaf quand il était enfant. Mais si puissant que fût Mar, celui-ci fut incapable de le clouer sur les dalles de pierre.
Ils se relevèrent soudain. Les yeux de Mar lançaient des flammes ; ce n’était peut-être pas la Rage, mais une fureur surhumaine. Haraldr baissa l’épaule et fonça. Il bascula Mar sur un tas de sacs de toile, et Mar contre-attaqua en le frappant sur les oreilles. Un sac glissa sous Haraldr et il bascula à terre. Mar se trouva alors dans son dos ; il passa le bras sous son menton et lui coupa le souffle. Presque aussitôt, la lame du poignard apparut contre la joue de Haraldr.
— C’est de la folie ! cria Mar, haletant. Nous ne viendrons pas à bout de Joannès ainsi.
Il lâcha la gorge de Haraldr et rangea son arme. Haraldr écarta les sacs d’un geste rageur et se releva sur les genoux. Oui, c’était de la folie. Il expliqua dans quelles circonstances l’assassinat aurait lieu, et comment l’impératrice lui avait assuré qu’elle soulèverait la ville contre la Taghmata. Quand il se tut, Mar se détourna et se balança légèrement sur les talons pendant un bon moment.
— Je crois que ça marchera, dit-il enfin à mi-voix.
Haraldr se frotta la gorge. « Oui, ça marchera, se dit-il. Et la prochaine fois que nous nous battrons, Mar, si j’ai de la chance et que tu n’en as pas, je te tuerai. »
* *
*
Mar traversa à grands pas les couloirs de la Numéra jusqu’à
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