Carnac ou l'énigme de l'Atlantide
et par sa puissance. Morgane est son
nom, et elle enseigne à quoi servent les plantes, comment guérir les maladies. Elle
connaît l’art de changer l’aspect d’un visage, de voler à travers les airs » (Vita Merlini). On peut comparer cette savante description avec les
strophes lyriques intégrées au récit irlandais de la Navigation de Bran :
« Inconnues sont la douleur et la traîtrise,
ni chagrin, ni deuil, ni mort,
ni maladie, ni faiblesse,
voilà le signe d’Émain…
Quel merveilleux pays que ce pays !
les jeunes n ’ y vieillissent point. »
Ce pays de l’Éternelle Jeunesse, cette « Terre de la
Promesse », comme l’appellent certains textes, c’est Émain Ablach, toujours
l’ Insula Pomorum que nous retrouvons dans le mythe d’Avalon. Mais si, pour
les besoins de la vraisemblance, ce pays merveilleux se trouve quelque part
dans une île, en plein océan, et vers le soleil couchant, il peut également
être dans l’univers souterrain des tertres, dans le royaume du sidh , c’est-à-dire
de la paix. Les conteurs insistent toujours sur les plaines merveilleuses qui
se trouvent à l’intérieur du sidh. Dans le récit irlandais de la Maladie
de Cûchulainn, le héros est sollicité par une femme-fée de venir avec elle
dans son domaine souterrain. Cûchulainn, très prudent, envoie son cocher Loëg
pour aller voir ce qui se passe dans cet étrange pays. Loëg fait son rapport. Il
vante les charmes d’une incomparable contrée, « les troupeaux de chevaux
gris, à la crinière tachetée, trois arbres de couleur pourpre sur lesquels
chantent des oiseaux, longuement, doucement, un arbre à la porte du château, arbre
d’argent où brille le soleil – sa splendeur est pareille à l’or –, une fontaine,
une cuve d’hydromel, trois vingtaines d’arbres qui nourrissent trois cents
hommes de leur fruit multiple et simple, et surtout une fille dans la maison
noble, qui se distingue des femmes d’Irlande, avec une chevelure blonde qui
flotte », femme qui « ferait perdre la tête à des armées ». Et
tout cela à l’intérieur d’un tertre mégalithique…
Cette croyance fantasmatique a perduré pendant longtemps, attachée
aux grands dolmens qu’on avait parfois peur de pénétrer. Les contes populaires
répercutent encore la description enthousiaste de cette Terre des Fées. Dans un
conte breton armoricain, la Saga de Koadalan, le jeune héros, après
diverses aventures, est retenu prisonnier par le magicien Foulkes.
« Foulkes le précipita dans un puits très profond (il avait plus d’une
lieue de profondeur), et il tomba au milieu d’un grand bois ». Il est tout
de même assez étonnant de se retrouver ainsi sous terre au milieu d’un grand
bois. D’ailleurs, Koadalan, qui ne sait pas où il se trouve, marche longtemps, finit
par s’endormir sur un gros rocher, et se réveille lorsque le jour paraît. Tout
se passe comme si en bas il y avait la même chose qu’en haut. Cela
semble en conformité avec l’un des préceptes de la Table d’Émeraude attribuée
à Hermès Trismégiste : « Ce qui est en haut est comme ce qui est en
bas. »
Un autre thème développé par Pline l’Ancien montre la mesure
exacte qu’il convient de donner à cette description du pays des Hyperboréens :
ce sont les vierges qui vont porter les prémices des fruits jusqu’à Délos. À un
moment donné, on a fait violence à ces vierges, et depuis lors, elles ne
sortent plus de leur domaine. Il est impossible de ne pas comparer ce détail
avec ce qu’on trouve dans l’ Élucidation, un texte français de la fin du XII e siècle qui
sert de préface à l’aventure du Graal dans la version de Chrétien de Troyes et
de ses continuateurs immédiats. On y relate en effet que les fées du château du
Graal recevaient autrefois les voyageurs en leur offrant des coupes remplies d’un
breuvage réconfortant. Mais, un jour, le roi Amangon viola une des fées, et
depuis ce temps, les fées ne se montrent plus : elles se sont enfermées
dans leur domaine et n’en sortent que rarement. D’ailleurs, Pline dit lui-même
que « les Hyperboréens se cachent la nuit dans des cavernes ». La
description de Pline est donc un conte de fées. Mais il a un rapport certain
avec la croyance que l’intérieur des monuments mégalithiques est peuplé d’êtres
féeriques ou divins, qui, après avoir eu des différends avec les humains (la
guerre entre les Gaëls et les Tuatha
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