Comment vivaient nos ancêtres
de mœurs légères, le sureau est signe de dégoût, etc. D’autres fois, ce sont des poignées de cendre, qui dénoncent une fille malpropre, ou des pieds de veau ou une tête de cheval abandonnés sur le seuil d’une épouse infidèle. Le jugement est public et redouté. Les mégères, ce matin-là, regrettent amèrement leur rudesse ou leur fierté. Elles sont écartées des rondes de l’après-midi que les jeunes gens dansent autour du « mai », arbre ou arbrisseau cette fois-ci, planté par les garçons sur la place du village ou dans quelque pré voisin. Bien avant la fête du travail, donc, nos aïeux chôment dans leur campagne, trop occupés également à s’assurer la protection divine par mille trucs que l’on se répète d’une génération à l’autre. Chaque région a son éventail de croyances, de superstitions et de pratiques : manger de l’ail, faire sauter neuf fossés aux brebis, mettre du fumier sur un arbre, et mille autres recettes garantissant la santé des humains ou des animaux durant l’année.
Le groupe des adultes, s’il ne danse pas le mai, s’amuse tout autant de son côté à « se prendre sans vert ». Jusqu’au début du siècle dernier, se promener sans un brin de verdure sur soi est ce jour-là provocateur de farces. Si votre voisin vous surprend ainsi, il ne manque pas, en s’exclamant : « Ah ! je vous prends sans vert », de vous envoyer un bon seau d’eau par la figure.
Qu’il ait chanté, dansé ou jeté un seau d’eau, chacun s’en retourne chez lui joyeux ce soir-là. Le joli mois de mai est de retour.
QUAND LES STATUES VONT AU BAIN
ET LES FILLES À LA PESADE
Peu de mois font autant l’objet de coutumes, de traditions et de dictons que ce joli mois de mai. Mais il faut attendre le XIX e siècle pour qu’il devienne le mois de Marie, celui des reposoirs et par conséquent des rosières. Dans certaines villes, on prime des « rosiers », à la différence que la vertu couronnée a toujours été mieux portée par les filles que par les garçons, qui ne s’en tirent jamais sans une solide réputation de niais. En revanche la rosière, tout habillée de blanc virginal, est fêtée solennellement dans tout le pays, tant par l’Église que la mairie. Cela ne fait jamais qu’une cérémonie de plus pour distraire nos ancêtres durant ce joli mois. L’Église, de son côté, leur en fournit un certain nombre d’autres, toutes largement observées.
Le 3 mai, on fête l’invention de la Vraie Croix par sainte Hélène, entendez par là la découverte de la relique de la croix du Christ – dont l’authenticité est aujourd’hui mise en doute. Il n’empêche que bon nombre de fragments ont été rapportés de Crète vers le milieu du XIII e siècle, et sont répartis entre plusieurs églises ou monastères, où les fidèles vont les visiter en pèlerinage. C’est également ce jour-là, bien souvent, que nos ancêtres vont à l’église faire bénir de petites croix ou « croisettes » qu’ils ont tressées en bois de coudrier ou de noisetier, voire de simples baguettes. Plantées ensuite dans les champs cultivés, elles assureront des bonnes récoltes.
Viennent, quelque temps plus tard, les trois jours des rogations, observés par tout le pays. On scrute soigneusement le ciel car le temps de chacun de ces trois jours détermine la météorologie de la fenaison, de la moisson et des vendanges. Le premier des trois, qui est le lundi précédant l’Ascension, le prêtre va bénir les prés, aux quatre coins de la paroisse, suivi par la communauté tout entière sur quatre files, précédé de cierges et regroupant les hommes, les femmes, les jeunes gens et les jeunes filles. En route, on s’arrête devant chaque calvaire décoré et fleuri en reposoir, on bénit également les puits et les fontaines, eux aussi couronnés de bouquets de fleurs. Le lendemain, on recommence pour les champs à moissonner et le surlendemain c’est le tour des vignes ou, pour les régions qui n’en ont pas, des grandes cultures comme le maïs, la pomme de terre, etc. Le jeudi, enfin, tout le monde se retrouve à l’église pour la messe de l’Ascension.
La dernière grande cérémonie du mois est celle de Pentecôte. Au Moyen Âge, c’était la grande époque des tournois et des adoubements, qui s’étalaient volontiers sur sept jours… C’est de là que sont venus, dans bien des villes, l’habitude d’organiser des courses, à cheval ou à
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