Comment vivaient nos ancêtres
passés. Vous avez devant vous la maison rustique au toit de chaume, baignée du soleil du printemps, où l’on vit au rythme de la nature. Tout esbaudi(e) et déconfit (e) – émerveillé(e) et décontenancé(e) –, vous vous apprêtez déjà à aller tochier à l’huis (frapper à la porte). Icelle (celle-ci) s’ouvre. Vous allez vous présenter, et pour éviter de dire des coquardies (des sottises), vous allez choisir de vous couler d’emblée dans le moule en vous remembrant (remémorant) Christian Clavier et Jean Réno : vous êtes Kévinouille et dame Élodie.
Les choses, malheureusement, ne sont pas si simples, et il ne vous suffira pas de changer simplement de nom pour vous intégrer automatiquement au monde que vous allez découvrir. L’huis ou la porte – peu importe – ne sera pas plutôt ouverte, que la réalité vous sautera non seulement aux yeux, mais au nez et à la gorge.
À peine avez-vous passé votre cap (votre tête), qu’une première impression s’impose à votre flerement (votre odorat), qui se trouve agressé par une punaise assent (une odeur fétide, puante) qui manque de vous faire choir (tomber à la renverse). Mais gardez-vous en bien ! Vous vous retrouveriez à gésir (être couché) dans la boue, que tout à votre enthousiasme et à votre émotion, vous n’aviez pas encore remarquée, bien que vous y patouilliez (pataugiez) complètement. La boue, certes, amortirait votre choc, mais il n’empêche que vous risquez tout aussi bien de vous retrouver dans une longaigne (un cloaque). C’est ce que l’on nommait en Bretagne le marmis froid, autrement dit le fumier froid, proche du compost, et qui était fabriqué sur place à partir de tous les détritus, matière croupissant à deux pas du seuil, dans une flaque permanente d’eau stagnante, infestée de vermines. Gardez-vous de tomber à la renverse et entrez – vous êtes là pour ça – en vous disant que cette punaise assent n’a en fait que des origines naturelles et qu’elle est l’odeur ambiante de toute habitation rustique de l’époque. Odeur impossible à éradiquer tant elle est imprégnée profondément, depuis des lustres, dans le sol de terre battue, mais odeur authentique, résultant de la vie et de la cohabitation générale, en un temps où le tout au sol remplaçait le tout à l’égout. Régulièrement, le plateau de la table était vaguement passé à l’eau (alors rare) et cette eau était répandue au sol. Sol qui tout le jour recevait diverses déjections, à commencer par celles de la poule, venue picorer quelques miettes restées sur la table ou envoyées à terre ; sol, que compissaient (souillaient d’urine) l’agneau ou le cochon, profitant eux aussi de la porte ouverte. Sans parler de l’odeur des paillasses, pourrissant plus ou moins sous l’effet de l’urine des nourrissons et des vieillards. S’y ajoutaient encore l’odeur âcre du petit lait, émanant des fromages de chèvres en préparation, celles du lard rance pendu au-dessus de la cheminée, du fricot qui cuit lentement et des vêtements trempés et souillés de bouses de vaches séchant à la chaleur de l’âtre. Une punaise assent qui vous prend au nez, mais aussi à la gorge. Car à tout cela, s’ajoute la fumée. Une fumée épaisse et lourde, qui vous pique terriblement les yeux.
Et voici une première déconvenue : vous étiez persuadé que les cheminées de vos ancêtres tiraient bien, ayant été forcément construites dans les règles de l’art, par des maîtres maçons maîtrisant le nombre d’or et les proportions, alors qu’il n’en était rien. Les cheminées de nos ancêtres tiraient mal, très mal, au point que, deuxième découverte étonnante : pour évacuer cette maudite fumée, il leur fallait constamment entretenir des courants d’air. Et voilà l’horreur. En hiver, l’air glacial circule, et pour se rechaudir (se réchauffer), nos aïeux passent leurs journées au coin de l’âtre, voire le plus souvent carrément dans l’âtre, immense et accueillant, où ils se font toster, autrement dit rôtir (encore un mot que les Anglais nous ont pris pour faire leurs « toasts ») et cela tantôt pile, tantôt face, du fait que lorsqu’ils sont face aux flammes, leur dos est fouetté par la bise froide, et vice versa dès qu’ils se retournent.
Si peu à peu, pourtant, vous vous habituez, parvenant à oublier cette odeur ou du moins à vous y accoutumer, vous risquez en revanche
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