Comment vivaient nos ancêtres
chemins, presque toujours précédé du vielleux, du fifre, du joueur de biniou ou de violon. Parfois, la route qui mène au village est barrée par quelque « barrière » constituée de troncs d’arbres entassés ou de simples rubans. Ce curieux rituel semble vouloir marquer la progression dans les étapes de la cérémonie.
Le mariage à la mairie, introduit en 1793, permet à M. le Maire de s’affirmer vis-à-vis du curé. Profitant de cette occasion, il prononce souvent un discours grandiloquent sur le travail et l’honnêteté. À l’église, M. le Curé accueille les époux et les conduit à l’autel. Il bénit les alliances et recueille les consentements, avant l’échange des anneaux. L’assistance observe soigneusement la façon dont la mariée se laisse faire, chacun sachant qu’un doigt recourbé pour rendre plus difficile le passage de l’alliance est signe qu’elle entend à l’avenir gouverner son mari. Cet anneau, d’ailleurs, est différent du nôtre, non pas lisse, mais au contraire agrémenté d’un ou deux cœurs, ou constitué de deux fils de métal tordus l’un autour de l’autre. On bénit encore des « treizins », pièces de métal ou d’or, ou une médaille de mariage avec noms et dates gravés sur la tranche ainsi que des paroles vertueuses comme « La religion les unit », cadeaux faits par le marié à sa femme. Puis le cortège se rend dans la sacristie pour procéder aux signatures du registre paroissial, sous réserve, bien sûr, de savoir écrire.
À la sortie de l’église, des jeux accueillent les mariés. On vide, symboliquement des vessies de porc remplies d’eau. Des concours et des farces, sans oublier la tournée des auberges, font partie du cérémonial mais, pendant tout ce temps, comme pendant tout le reste de la journée, la mère de la mariée a soin d’affecter de pleurer, tout comme sa fille doit se garder de rire, car cela encore serait pour elle de mauvais augure.
LA NUIT DE NOCES :
L’AIGUILLETTE EST-ELLE NOUÉE ?
Le repas de noces est digne de sa réputation. Il est si abondant que bien souvent on doit le diviser en deux. Après les viandes salées, l’oie, le canard et la dinde, le tout fortement arrosé de vin, a lieu une pause consacrée à des divertissements. Vol du soulier, enlèvement de la jarretière, bris de vaisselle, don aux mariés d’un colis contenant un poupon sont autant de coutumes qui ont parfois encore cours dans les folklores régionaux contemporains et dont la valeur symbolique est évidente. Vient ensuite le gâteau de noces dont la première part est offerte à la première fille d’honneur en gage de prompt mariage. S’ensuivent le bal, puis le départ des mariés.
Selon les régions, lors de ce départ se déroulent de curieux scénarios. En Bretagne, il est hors de question que les nouveaux époux passent la nuit ensemble. S’ils le font c’est platoniquement devant la noce assemblée qui chante à tue-tête toute la nuit pour les empêcher d’avoir certaines pensées. Mais de façon plus draconienne les coutumes de cette province veulent que la mariée respecte les « nuits de Tobie », couchant seule et parfois sous bonne garde, pour offrir la première nuit à la Sainte Vierge et la seconde à saint Joseph.
Dans la plupart des régions, on s’embarrasse moins de ces saintes intentions, et les époux, dès la première nuit, s’acquittent de leur devoir conjugal. À l’aube, cependant, ils reçoivent une curieuse délégation familiale leur apportant, servie dans un vase de nuit, une soupe de vin blanc et de chocolat ou de lait appelée « rôtie », « rebelhon », « bouillon », « trempée », et fortement épicée à la cannelle ou au poivre, sans doute pour redonner de l’ardeur au mari. Dans une bousculade, la foule fait irruption dans la chambre nuptiale et inspecte les draps pour vérifier que la mariée était bien vierge et que le mari possède toutes les qualités d’usage. C’est la confirmation que le sorcier ne lui a pas « noué l’aiguillette » sur la commande d’un amoureux éconduit. Car, au fond de l’église ou à travers le trou de la serrure, le sorcier sait pour cela regarder le marié et nouer derrière son chapeau une cordelette ou un fil réputé empêcher la consommation du mariage. L’époux, au courant des usages, prend donc bien soin, lorsque le curé lit l’Évangile, de mettre un pied sur la robe de la mariée pour empêcher le sort de
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