Consolation pour un pécheur
beaucoup parlé de l’importance qu’il revêtait, mais aussi de la gloire – et de l’or – qui récompenserait celui qui le ramènerait sain et sauf à l’évêque. Puis il se rappela les ordres du sergent : le médecin devait être protégé avant toute chose. L’or, le sergent, l’or… Non, le moins risqué était de ne s’occuper que du médecin. Sauf que celui-ci était maintenant si loin devant lui qu’il ne le distinguait plus parmi la foule qui se promenait le long de la rivière. Avec un optimisme irréductible, il reprit sa filature en souhaitant de tout son cœur avoir fait le bon choix.
Dans la cour, Isaac passa de longues et pénibles minutes à écouter sa femme et sa fille tenter de faire la conversation. Enfin, Leah cria du haut du grenier que le soleil avait plongé derrière les montagnes.
Isaac chercha le calme de son cabinet pour y dire ses prières, puis il demeura assis pendant près d’un quart d’heure afin de chasser de son esprit toute émotion gênante et toute pensée superflue.
Accompagné d’un personnage vêtu d’un manteau brun déchiré, il prit la direction de la maison de maître Vicens. La chaleur parfumée du soir avait fait sortir tous les habitants de Gérone. Autour de lui, ce n’étaient qu’éclats de rire et conversations.
— Ce n’est pas un moment très opportun pour une rencontre discrète, dit Isaac. Les rues me semblent pleines de monde.
— Elles le sont, lui répondit son compagnon. Et c’est d’ailleurs très bien.
— Pourquoi donc ?
— Parce que je pense que cette invitation n’est qu’un leurre pour vous attirer dans la maison de maître Vicens.
— Je le sais. Et c’est pour ça que nous sommes là.
Le médecin marchait sans ralentir, le bâton dans la main droite et la main gauche posée sur l’épaule de son compagnon.
Ils arrivèrent devant le portail de maître Vicens, où ils furent immédiatement rejoints par un autre personnage emmitouflé dans une cape, de large carrure et d’une taille plutôt inhabituelle.
— Maître Isaac ? demanda-t-il.
— C’est moi, fit le médecin.
— Mon maître vous fait savoir qu’il ne s’était pas rendu compte que la chaleur de la nuit ferait sortir tant de monde.
— C’est que votre maître manque de bon sens, répondit Isaac d’un ton léger. On est en juin et les nuits sont agréables, d’habitude.
— Euh… il vous demande de le retrouver en dehors des portes de la ville, dans les prés de Sant Domenec.
— Où exactement ?
— Je vais vous y conduire.
— Parfait, lança Isaac. Allons aux prés de Sant Domenec.
— Chut, vous allez réveiller tout le monde !
— On se couche donc si tôt que cela dans la maison de maître Vicens ? fit remarquer Isaac sans prendre la peine de baisser le ton. Allons, messire, montrez-nous le chemin et nous vous suivrons.
— Je ne crois pas que nous devrions aller avec cet homme, murmura son compagnon. Pas en dehors de la ville. Imaginez qu’il…
— Du calme, mon enfant. Ce ne sont pas là les déserts fabuleux de l’Orient. Bien des gens iront aussi s’y promener. On ne peut tout de même pas demander à maître Vicens de discuter d’affaires privées devant sa propre maison. Où en est la nuit ? Fait-il sombre ?
— Pas encore. Il y a encore quelques lueurs à l’ouest.
— Bien. Allons-y, alors.
Les lourdes portes de la ville étaient fermées et barricadées depuis le crépuscule. Quand Isaac et son compagnon y arrivèrent, le portier avait déjà clos la poterne et accroché les clefs. Il allait reprendre son occupation de la soirée, à savoir vider une gourde de vin. C’était pour célébrer le jour saint, expliqua-t-il, et il leur offrit de boire avec lui. Il s’étonna de leur refus et encore plus de leur désir pressant de voir ouvrir la petite porte afin de quitter la ville.
— Il est trop tard, messires, bien trop tard. Vous feriez mieux de rester ici.
— Je dois absolument voir quelqu’un, dit Isaac. Il habite à l’extérieur de la ville.
Le portier le dévisagea.
— Mais je vous connais. Vous êtes Isaac le médecin, c’est ça ? Il y a quelqu’un de malade, hein ? C’est différent.
Et pour marquer ses bonnes intentions, il fit tinter son trousseau de clefs.
— Pas du tout. Je veux simplement jouir de la pureté de l’air.
— Vous paieriez pour aller respirer hors des murs ? s’amusa le portier. L’air est le même partout, non ?
Une
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