Crépuscule à Cordoue
d’être placés de chaque côté de lui.
— Les autres sont des hommes d’affaires qui vivent plus au sud, continua-t-il. Je crois savoir qu’ils s’occupent de transport.
— Il s’agirait donc de Norbanus et de Cyzacus ?
Les deux qui s’entretenaient toujours à voix basse. La classe inférieure, peut-être même d’anciens esclaves.
— Oui, admit le secrétaire toujours d’aussi mauvais gré.
— Je te remercie de ton aide, dis-je chaleureusement.
— Ce sera tout ?
— Je dois interroger ces hommes. Ils logent dans cette demeure ?
— Non.
— Connais-tu leur adresse à Rome ?
— Ils ont logé ici, admit le Grec en pesant ses mots. Mais ils ont tous quitté Rome hier.
Je haussai légèrement les sourcils :
— Vraiment ? Combien de temps sont-ils restés avec vous ?
— Seulement quelques jours.
Le secrétaire s’efforçait de dissimuler son embarras.
— Combien de jours exactement ?
— Environ une semaine.
— Seulement une semaine ? Leur départ paraît bien soudain.
— Ce n’est pas à moi d’en juger.
Si je voulais des renseignements dans ce domaine, il faudrait que je les demande à l’intendant de la maison. Lui saurait me dire combien de temps ils avaient initialement prévu de rester. Le problème, c’est que les enquêteurs privés ne reçoivent jamais la permission d’interroger les domestiques d’un sénateur.
— Est-ce que je peux parler au fils du sénateur ?
— Quinctius Quadratus est également parti pour Cordoue.
— C’était prévu ?
— Bien sûr. Il est parti prendre ses nouvelles fonctions.
Je ne pouvais évidemment rien trouver à redire à la conduite du nouveau questeur. En revanche, combien d’hommes importants se lanceraient dans un très long voyage pour venir à Rome, et en repartiraient presque immédiatement, sans en profiter pour visiter la cité et y nouer des relations ?
En tant que touristes, leur conduite éveillait de sérieux soupçons ; ces inquiétants hommes d’affaires cordouans auraient aussi bien fait de me laisser un message pour m’annoncer qu’ils ne mijotaient rien de bon.
13
Ce même soir, je conduisis Helena Justina dans le quartier élégant de la porta Capena. Nous allions dîner dans la villa légèrement défraîchie de ses parents. Il était temps de donner à sa mère une nouvelle occasion de nous houspiller pour n’avoir encore pris aucune décision sérieuse en ce qui concernait la naissance du bébé et sa future éducation. Julia Justa avait mis un monologue au point sur le sujet. Et je tenais également à voir son père. Il faut croire que je prenais goût aux sénateurs.
Avant la réunion officielle, je me débrouillai à rencontrer Decimus Camillus Verus aux thermes que nous fréquentions tous les deux, afin que nous puissions accorder nos lyres. Il était grand, légèrement voûté, et ses cheveux qui commençaient à s’éclaircir avaient tendance à se hérisser. Il paraissait un peu hagard, avant même que je lui explique qu’il allait devoir faire preuve d’autorité envers son fils indocile.
— Je suis mandaté par l’empereur. J’ai besoin de poser quelques questions à Ælianus. Je te préviens à l’avance pour que tu t’assures de sa présence !
— Tu surestimes beaucoup mon autorité paternelle, Marcus.
Pour achever de le convaincre, je lui fis un bref résumé de la situation. Puis nous nous mesurâmes au sabre avant de nous quitter bons amis.
Son attitude envers moi – qu’il aurait eu bien des raisons de haïr – était franche et aimable.
— Je n’ai aucune objection à ce que tu me procures des petits-enfants, Marcus, avait-il assuré en apprenant que sa fille était enceinte de moi.
En réalité, nous savions tous les deux que ma liaison avec Helena Justina et son indulgence envers moi empoisonnaient ses relations avec sa famille.
Aucun des deux frères Camillus, Ælianus et Justinus, n’assista au dîner. Au cours de leur éducation, on avait tout fait pour inculquer des habitudes de modération à ces garçons plutôt brillants et âgés d’une vingtaine d’années ; alors, naturellement, ils étaient partis festoyer en ville. Quant à moi, citoyen romain de trente-trois ans sur le point de devenir père, je m’efforçais de ne pas avoir l’air de regretter de ne pas les accompagner.
— Est-ce que Justinus s’intéresse toujours beaucoup au théâtre ? demandai-je.
Ce jeune gredin s’était entiché
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