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Dans l'ombre des Lumières

Titel: Dans l'ombre des Lumières Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Laurent Dingli
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sans-culotte.
    — Nous verrons bien… Mais ce n’est pas pour ça que je suis ici. Ta femme a été dénoncée. On dit qu’elle entretient des relations avec un prêtre réfractaire.
    — C’est une pure calomnie, s’insurgea Antoine.
    Surin se tourna vers les gardes.
    — Faites entrer la citoyenne Meynier !
    C’était la femme du charcutier, une sorte de gargouille entripaillée ; sa tête grasse et rougeaude était serrée dans son escoffion comme une saucisse dans son boyau.
    — Ouais, c’est elle ! brailla la drôlesse. J’lai vue causer au père Le Tellier, ce jean-foutre qu’avait pas voulu jurer le serment des bons prêtres. Morgué ! Même qu’y z’étaient en tête à tête comme deux fourbisseurs dans le cloître, à l’enseigne du Nom de Jésus. Entre cagots, doivent rudement bien s’entendre !
    Amélie, qui avait des sueurs froides, essaya pourtant de paraître le plus calme possible. Elle fouilla rapidement dans ses souvenirs.
    — Tout cela est faux, dit Antoine pour lui laisser le temps de répondre.
    — Laisse donc parler ta femme, fit le commissaire, si elle n’a rien à se reprocher, elle n’a donc rien à craindre. La vertu ne redoute jamais la calomnie, seul le crime pâlit devant la vérité. Alors citoyenne, tu as perdu ta langue ?
    La grosse Meynier répondit à sa place.
    — Citoyen commissaire, tu vois bien que c’est une ci-devant. Elle est née noble et elle crèvera avec la morgue de sa caste.
    — Tais-toi, ou je te fais sortir !
    Amélie profita de cette interruption pour rassembler ses esprits.
    — Oui, je me souviens d’avoir parlé à ce prêtre, dit-elle d’une voix douce, mais c’était par pure courtoisie. Il m’avait entretenue, je crois, du séminaire de Poitiers où il avait longtemps enseigné.
    — Et c’est tout ?
    — C’est tout.
    — Vous voyez bien qu’elle ment, éructa la mégère. Elle complotait avec ce bougre de calotin, j’en suis sûre.
    — Faites-la sortir, ordonna le commissaire aux deux gardes qui l’accompagnaient.
    — Tu as un frère émigré ? reprit Surin.
    Amélie parut décontenancée par cette question.
    — Oui… mais je n’ai eu aucunes nouvelles depuis son départ.
    — Pas de lettres, rien ?
    — Non, rien.
    — C’est ce que nous allons voir…
    Au signal du commissaire, la bande commença à fourgonner le salon ainsi que le reste de l’appartement, renversant les meubles, brisant les tiroirs, fouillant les papiers. Au bout d’une demi-heure, une sorte de benêt dégingandé arriva en exhibant un livre écrit par l’abbé de Rastignac dont il tentait avec peine de déchiffrer le titre.
    — C’est un livre contre-révolutionnaire, chuinta-t-il.
    — Il a été publié avant la Révolution, citoyen, répondit Amélie, mais si j’avais su qu’il ne fallait pas le garder, je l’aurais jeté au feu.
    — Hum…
    Surin se tourna vers Antoine.
    — Et toi, tu n’as pas signé la pétition des Vingt Mille 1 , ni écrit dans une feuille aristocrate ?
    — Bien sûr que non, citoyen, tous mes actes sont parfaitement connus de notre section ainsi que du comité d’exécution. De toute façon, j’étais dans mon régiment à cette époque.
    Le commissaire fit mine de réfléchir quelques instants avant de reprendre.
    — Je sais ce que tu as fait au 10 août. Mais on prétend aussi que tu as sauvé le petit sans-culotte uniquement pour faire oublier tes relations avec les Feuillants…
    Antoine se composa, avec un certain succès, la physionomie de la bonne foi outragée.
    — Reconnais, citoyen commissaire, répondit-il avec vivacité, que cette nouvelle insinuation est extravagante. Pourquoi aurais-je risqué ma vie pour éviter de la mettre ensuite en péril sans la moindre raison ? C’eût été me jeter dans les flammes pour ne pas me brûler.
    Le Jacobin eut l’œil rond et lisse de la bêtise interloquée.
    — Tu dis peut-être vrai. Mais l’aristocratie a coutume de se cacher sous le masque du patriotisme comme le serpent dans le fourré. Aujourd’hui, elle n’attend qu’un signe pour relever la tête. Mais dis-moi plutôt, pourquoi n’as-tu pas rejoint ton régiment ? Voilà un mois que tu l’as quitté alors que de braves citoyens versent leur sang pour la patrie. N’est-ce pas pour comploter avec ta belle-famille ?
    Par chance, Antoine avait prévu depuis longtemps ce genre de questions ineptes.
    — Citoyen, n’était-ce pas défendre la patrie que

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