Fidel Castro une vie
: des structures sociales injustes défendues par l’impérialisme nord-américain ». Si ces affirmations ne sont pas simple reconstruction
a
posteriori
, Castro était déjà léniniste en 1952… à défaut d’être marxiste !
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L A MONCADA, LA PRISON, L’EXIL
(
1953-1956
)
Les révolutionnaires, les vrais, ceux à la mitraillette…
Fidel Castro, 2 décembre 1961
Le coup d’État a lieu un lundi : le 10 mars 1952, à 2 h 30 du matin. Accompagné d’une modeste troupe, Fulgencio Batista entre facilement au camp Columbia. Le siège de l’état-major des forces armées, situé dans la banlieue ouest de La Havane, avait déjà été, en 1933, le point de départ de l’ascension du « mulâtre », comme on appelait l’ex-président. De là était partie, pour des raisons plutôt corporatistes, la « révolte des six sergents » qui avait renversé, après trois semaines, le gouvernement de Manuel de Céspedes, installé après la fuite du dictateur Machado. Le plus lettré des mutins, le « sténographe-dactylographe » Batista, avait été aussitôt nommé colonel, puis général et chef d’état-major. Jusqu’à son élection en 1940 à la présidence, Columbia avait été le vrai siège du pouvoir : de là, il tirait les ficelles de chefs de l’État marionnettes. Parvenu lui-même au prestigieux palais du centre-ville, Batista n’avait jamais cessé de fixer des yeux le camp militaire, afin que nul rival ne s’y préparât. De la Floride où il s’était retiré, son mandat achevé, en 1944, il avait maintenu des contacts avec ses successeurs : notamment le général Pérez Damera, cent quatorze kilos plus les décorations, qui avait joué un rôle lors de la préparation de l’« expédition » de 1947 contre Saint-Domingue.
Élu sénateur en 1948, Batista était rentré à La Havane en 1949 pour préparer sa campagne pour la présidentielle de 1952 – huit ans après la fin de son mandat, conformément à la Constitution. Il avait, pour ce faire, créé un « Parti d’action unitaire ». Mais les sondages – importés des États-Unis, commela télévision, à la fin des années 1940 – ne lui donnaient qu’un tiers des voix. Hevía, ministre des Affaires étrangères, candidat du Parti authentique, en aurait eu moins encore. C’est Agramonte, chef des orthodoxes, soutenu par le PSP (communiste), qui avait ses chances.
Sitôt après la mort de Chibás, en août 1951, Batista songe sans doute au coup d’État. Une telle prétention lui vient de la conviction qu’il garde des sympathisants. Et pas seulement parmi les possédants. Il avait, certes, en 1934, prévenu le pire : la confirmation au pouvoir des communistes et de leurs suppôts, et cela lui valait les applaudissements de la droite. Mais il avait aussi, et ce n’était pas rien, avalisé les réformes de la première présidence Grau, celle de 1933 : autonomie de l’université, création d’un ministère du Travail, journée de huit heures – y ajoutant l’unification syndicale sous l’égide du PSP. Mais aussi, Batista disposait d’un sérieux appui populaire, et singulièrement parmi la population de couleur : cette moitié, ou presque, du pays semblait séduite par le côté « titi-caraïbe » de ce métis arrivé bidasse à la caserne et devenu président en un tournemain.
Batista n’a pu manquer, durant le lustre qu’il a passé aux États-Unis, de confirmer des contacts américains établis lors de ses dix années au pouvoir. L’agitation de l’université, des syndicats, des gangs, la montée en puissance des communistes, le tout à cent cinquante kilomètres de la Floride : autant d’éléments qui ne pouvaient que déplaire à Washington, en pleine guerre froide puis durant la guerre en Corée. L’opinion américaine, elle, ne trouve rien à redire au coup d’État. « Batista de Cuba : il n’a pas suivi les chemins démocratiques », titre sobrement
Time
. C’est révéler là une inconsciente conviction qu’il y a des lieux où certaines choses peuvent arriver au même titre que les ouragans et autres calamités naturelles…
Mais Batista et les États-Unis se trompent. Car, tout d’abord, l’île a connu une expérience démocratique, si peu reluisante soit-elle. Et la République redevient vite belle sous la tyrannie ! En outre, le monde a changé en vingt ans. Les étudiants ne sont déjà plus, à Cuba, une élite infime ; ils sont une fraction consistante de la population, préoccupée
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