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Fiora et le roi de France

Fiora et le roi de France

Titel: Fiora et le roi de France Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Juliette Benzoni
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Lorenzo :
    – Je
te fais grâce de tes sarcasmes, Fiora ! Restez tranquilles tous les deux !
Il est temps, en effet, que l’on sache ici qui est le maître !
    Dix
minutes plus tard, la via Larga retrouvait son aspect habituel. La pluie avait
cessé aussi soudainement qu’elle était venue et les gardes du palais
reprenaient la cadence de leur lente promenade. Un peu partout dans la grande
artère, les boutiques mettaient leurs volets. Les marchands sortaient de chez
eux, comme les autres hommes, car c’était l’heure sacrée de la « passeggiata [i] « où, tandis que
leurs femmes s’activaient à la préparation du repas du soir, les Florentins se
rejoignaient devant le Duomo, la Signoria ou au Mercato Vecchio pour discuter
des affaires de la journée ou parler politique. Les jeunes élégants, eux,
choisissaient plutôt le pont Santa Trinita qui connaissait toujours, au coucher
du soleil, la plus brillante animation. Paradoxalement, c’était aussi l’heure
où les murs de la ville semblaient suinter une étrange mélancolie, cette « morbidezza »
qui n’était pas sans charme et que les cloches de l’Angélus accompagnaient
comme autant de voix célestes. Celles des hommes se feutraient et un doux
murmure s’élevait au-dessus de la ville.
    Appuyée
contre l’une des armoires marquetées qui augmentaient la profondeur des
embrasures, Fiora laissait son regard vaguer sur les groupes de robes et de
pourpoints aux teintes foncées qui, d’un pas paisible, se dirigeaient vers le
rendez-vous vespéral en devisant sur le mode courtois. Cette ville semblait en
vérité incompréhensible, qui portait l’art de vivre et les sages préceptes de
la philosophie au sommet de toute civilisation et qui cependant pouvait, dans l’instant,
accoucher d’une foule hurlante, avide de sang et capable de couvrir ses rues et
ses places de débris humains.
    Carlo,
recouché sur son banc, fermait les yeux. Il semblait souffrir et, de toute
évidence, son état nécessitait la présence d’un médecin... Quand Lorenzo
revint, il trouva Fiora debout auprès de lui et tenant sa main :
    – On
dirait que tu as réussi à les disperser ? constata la jeune femme. Que
leur as-tu dit ?
    – Qu’il
est mort, fit-il en désignant du menton le corps étendu.
    Fiora
eut un mince sourire, juste assez dédaigneux pour traduire sa pensée mieux
encore que ne l’auraient fait les paroles. Lorenzo haussa les épaules avec
fureur :
    – Tu
n’es pas encore satisfaite, n’est-ce pas ? Que signifie ce sourire ?
    – Rien...
ou si peu ! Je me demande seulement si un jour, un seul, tu oseras opposer
ta seule volonté à une émeute. Ce qui m’étonne, c’est que l’on ne t’ait pas
réclamé le corps pour en faire de la charpie sur le tombeau de Giuliano ?
    – Ils
l’ont réclamé. Surtout cet âne suffisant de Luca. Je l’ai renvoyé chez lui en
ajoutant que si je le retrouvais en train de jouer les meneurs, je l’enverrais
aux Stinche [ii] comme rebelle.
    – Et
ensuite ?
    – Ne
prends pas cet air de juge présidant un tribunal, Fiora ! Tu m’agaces !
J’ai rappelé mon interdiction de toucher à quelque sépulture que ce soit. En
foi de quoi, j’ai dit que Pazzi serait enterré secrètement et là où je le
jugerais bon... A présent, je vais le faire porter dans une chambre.
    – Pour
que tes serviteurs sachent que tu as menti ? Riche idée ! Tu pourrais
penser aussi à ta mère et à ta femme ?
    – Elles
ne sont là ni l’une ni l’autre. Dès le beau temps revenu, je les ai envoyées à
la villa di Castello pour qu’elles y trouvent le calme et le repos. Quant à mes
serviteurs...
    – Oublie-les !
Ou plutôt, ordonne aux plus sûrs de préparer celle de tes litières qui ferme le
mieux et de réunir une escorte réduite que commandera Savaglio. J’emmène Carlo
chez moi, à Fiesole. Personne ne saura le soigner comme Démétrios.
    – Tu
veux repartir ce soir ? C’est de la folie ! Le peuple se posera des
questions en voyant cette litière ainsi gardée !
    – Il
ne se posera aucune question pour l’excellente raison que personne, ici, n’ignore
plus que je suis la favorite du moment. Nul ne sera surpris que tu me montres
quelque sollicitude.
    Il
réfléchit un instant puis, s’approchant de la jeune femme, il la prit dans ses
bras sans paraître s’apercevoir de sa légère résistance, et enfouit son visage
dans son cou :
    – Alors,
faisons mieux encore !

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