Fleurs de Paris
de la
guillotine…
Il descendit, lentement d’abord, puis plus
vite, puis, entraîné par son poids, avec une prodigieuse vitesse,
et La Veuve le voyait descendre sur elle !…
Brusquement, la hideuse lame atteignit la
nuque, pénétra dans les chairs, la tête roula… La Veuve demeura
inerte.
*
* * * *
Le médecin s’approcha d’elle et vit qu’elle
était morte.
La Veuve était morte à l’instant précis où,
dans sa vision, le couperet de la guillotine avait atteint sa
nuque…
La Veuve était morte guillotinée !…
Chapitre 75 PROSPODER
Quelques jours s’étaient écoulés depuis le
départ de Gérard et d’Adeline pour Brest. Ils avaient voyagé
ensemble, et, ensemble, étaient arrivés au vieux manoir au pied
duquel se lamentent les vagues éternelles. Le château était désert.
Il n’y avait même pas un gardien pour le surveiller. C’était
l’abandon, la solitude en présence de cette autre solitude :
l’Océan.
En pénétrant dans le château, Gérard s’était
dirigé tout droit vers l’antique salon où il avait failli tuer son
père d’un coup de couteau.
– Je m’installe ici, dit-il froidement,
cette pièce renferme des souvenirs avec lesquels il est bon que je
refasse connaissance.
– Et moi ? dit Adeline avec la
soumission passionnée de la femme qui veut conquérir.
– Le château est vaste, fit Gérard avec
un geste vague.
Il voulait avant tout ne pas effrayer Adeline
et lui bien persuader qu’elle était libre, qu’elle pouvait s’en
aller quand elle voudrait.
Elle, de son côté, songeait à procéder avec
prudence.
Dans le voyage, ils s’étaient dit quelques
mots à peine : mais elle avait constaté avec une joie
puissante que Gérard n’évitait ni son regard, quand elle le fixait
sur lui, ni son contact quand, parfois, elle lui prenait la
main.
Elle était pleine d’espoir…
Des pensées tragiques roulaient dans la tête
de Gérard.
Le fils aîné du baron d’Anguerrand s’installa
donc dans le salon, un de ces immenses canapés d’autrefois devant
lui servir de lit. Adeline s’installa dans une chambre voisine,
jadis habitée par la vieille Bretonne qui avait servi de femme de
ménage au baron. Cette pièce n’était séparée du salon que par un
couloir, et les deux portes se faisaient vis-à-vis…
Tout de suite, Adeline s’y était retirée, se
disant avec raison qu’il fallait laisser quelques jours à Gérard
pour pleurer Lise.
Dans le salon, rien n’était changé.
La balustrade en fer du balcon n’avait pas été
replacée.
Ce balcon n’était plus maintenant qu’une
étroite plate-forme : deux pas, et on sautait dans le
vide.
Gérard ne sortait pas de la vaste pièce où il
s’était établi. Il était certain qu’Adeline ne s’en irait pas. Il
la tenait. Cependant, il ne cessait de la surveiller dès qu’elle
s’écartait de sa chambre, ce qui arrivait rarement.
Le premier jour, seulement, Adeline avait eu
des allées et venues. D’abord, en fouillant dans les armoires de
l’appartement qu’elle avait autrefois occupé, elle s’était composé
une toilette d’intérieur d’une charmante modestie. Puis, vers le
soir, elle était sortie du château, avait été jusqu’au village de
Prospoder où chacun se souvenait encore d’elle, et elle en était
revenue avec deux femmes chargées de diverses provisions. Elle
avait ensuite renvoyé les deux femmes et avait soigneusement fermé
les portes du manoir. Puis elle s’était mise à préparer un repas,
dressant la table dans le salon même, allant et venant avec une
sorte de gaieté.
Sur son invitation, Gérard s’était mis à
table, et Adeline avait dit :
– Moi, je vous servirai… Ce sera comme
là-bas, dans notre pavillon de la rue d’Orsel…
– Asseyez-vous, ma chère, répondit
Gérard ; je ne toucherai à rien si vous ne me tenez
compagnie.
Et, ces quelques mots, il les avait prononcés
d’une voix si naturelle, avec une si juste proportion de tristesse
et de cordialité, qu’Adeline frémit d’espérance et murmura en
elle-même :
– Je suis sauvée… il est à
moi !…
*
* * * *
Gérard, avec un soin, une habileté et un
sang-froid extraordinaire, se mit à préparer le meurtre d’Adeline.
Il voulait la tuer, ceci avait été résolu, dès le moment où Adeline
lui était apparue dans l’hôtel de Pierfort. Mais il voulait vivre,
lui !
Sûr d’avoir dépisté la police, convaincu que
ses crimes passés
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