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Fleurs de Paris

Fleurs de Paris

Titel: Fleurs de Paris Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Michel Zévaco
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Gérard,
dehors, réfléchit, s’orienta et se mit en marche.

Chapitre 30 LES CŒURS-BLEUS
    Huit heures sonnaient lorsque Zizi et La
Merluche, quittant la rue de Clignancourt, se dirigèrent à angle
droit sur le marché Saint-Pierre, situé au pied de la Butte. En
hiver, à cette heure-là, ce coin de Montmartre forme un flot de
silence dans la mer de rumeur qui l’enveloppe. Alors que, tout
autour, la chaussée Clignancourt, le boulevard Rochechouart, la rue
d’Orsel sont encore grouillants et lumineux, les abords du marché
Saint-Pierre sont déserts déjà et forment une silencieuse solitude.
Cela tient à ce que la vie de Paris s’arrête au pied du mur à pic.
Au delà du mur, c’est la rampe escarpée qui grimpe en pentes
rapides et que couronne la masse énorme du Sacré-cœur. Les vagues
du grand flot parisien qui battent leur plein au-dessus du
boulevard Rochechouart se brisent déjà à la ligne de ce boulevard,
puis s’échappent à droite et à gauche.
    La Merluche et Zizi se dirigèrent donc vers le
terrain vague qui, à cette époque, s’étendait derrière le marché.
Il était clôturé de planches. Mais, bien entendu, ces planches, qui
étaient là officiellement pour servir d’infranchissable barrière
contre les rôdeurs, ne servaient qu’à abriter lesdits rôdeurs
contre les regards indiscrets.
    Zizi écarta l’une des planches et se glissa
dans l’intérieur, suivi de La Merluche, qui remit la planche en
place.
    – Nous sommes chez nous, dit Zizi.
    – On va rigoler, fit La Merluche.
    – Tu vas voir !…
    L’entourage de planches formait à son
extrémité un angle aigu. Au fond de cet angle, et accroupis, cinq
ou six individus se racontaient des histoires en attendant
l’arrivée de Zizi. C’étaient des gamins dont le plus âgé n’avait
pas quinze ans. La Merluche, qui avait dix-sept ans, était le
vieillard de cette bande, et il en eût été le Nestor si la nature
l’avait au préalable doué de quelque intelligence. Mais la nature
avait oublié, impardonnable distraction. La Merluche était bête. Il
ne devait son grade de lieutenant qu’à son âge avancé. Zizi, au
contraire, était arrivé au capitainat par ses seules
ressources.
    À l’approche des deux nouveaux arrivants, la
bande ne bougea pas. Simplement, on se serra pour leur faire place.
Et on continua d’écouter celui dont c’était le tour de raconter une
histoire. Zizi et La Merluche s’assirent en tailleur comme leurs
camarades, et se mirent à écouter. L’histoire touchait à sa
fin.
    Lorsque l’« histoire » fut terminée,
toutes les têtes se tournèrent vers Zizi, et toutes les voix
éraillées déjà, avec des accents traînants, des relents de liqueur
et de tabac, des modulations qui sont la hideuse musique du vice,
bientôt celle du crime, toutes ces voix de gosse
réclamèrent :
    – À ton tour, Zizi !…
    – Eh bien ! je vais vous en dire
une ! fit Zizi. Moi, j’ai raté ma vocation. J’aurais dû me
mettre fabricant de romans… Pas vrai que j’te l’ai dit souvent, La
Merluche ?
    – Tu l’as dit, attesta fidèlement La
Merluche. Mais dégoise…
    – Oui, dégoise ! reprit la bande en
frémissant à l’avance.
    Zizi, en effet, était le narrateur le plus
écouté des Cœurs-Bleus. Il avait un talent spécial pour
« empaumer » ses auditeurs.
    – Je vais vous en conter une toute neuve,
dit Zizi.
    – Zut ! fit La Merluche consterné.
Une neuve !…
    Dans toute la bande, s’élevèrent aussi des
protestations et des plaintes.
    – Le Petit Criquet ! réclama
l’un.
    – Fantine et Cosette ! supplia un
autre.
    – La Terreur de Montparno ! demanda
un troisième.
    Chacun réclamait son histoire préférée. Mais
tous élevaient la même protestation contre une histoire neuve. En
effet, ce qui séduisait surtout ces imaginations primitives,
c’était la certitude de frémir à tel passage, de pleurer à tel
autre. Les personnages du Petit Criquet par exemple étaient de
vieilles connaissances. Avec eux, pas d’erreur possible. Et quel
plaisir de suivre le narrateur en murmurant : « C’est
ça ! c’est bien ça ! » Tandis qu’une histoire neuve,
ce sont des inconnus qui entrent en scène, ce ne sont pas des
amis !
    D’un geste plein de dignité, Zizi imposa le
silence et dit :
    – D’autour et d’hacher, ça n’en sera une
neuve, ou j’ferme ! Cric ! ça y est-il ?… Crac ça y
est… Ça s’appelle : Marie Charmant ou la

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