Fourier
non-rébellion »
lui permettant de recouvrer la propriété légale de son affaire et de ses biens 40 . Deux ans plus tard, au retour de
Fourier, les affaires, toutefois, ont repris. Fourier retrouve sa place de
commis. En décembre 1796, il fait un voyage de Lyon à Paris, avec un passeport
sur lequel il est désigné comme « commis fabricant de Lyon 41 ». Peu de temps après, il déménage pour
Marseille, ville qui, à en juger par la petite poignée de documents concernant
cette époque qu’ont conservés les archives, va lui servir de base d’opérations
du début de 1797 au début de 1799.
Marseille telle que Fourier la retrouve en 1797 ressemble peu à
la ville qu’il a connue cinq ans plus tôt 42 .
La vie économique de la cité phocéenne tourne depuis toujours autour du port.
Or la guerre et le blocus anglais ont considérablement réduit l’activité
portuaire, qui n’est plus que l’ombre de ce qu’elle était en 1792. Certes, il y
a encore de nombreux petits cargos qui font du cabotage avec l’Espagne ou
l’Italie. Mais le commerce avec le Levant ou l’Afrique du Nord s’est effondré.
Quant aux navires débarquant à Marseille après avoir franchi le détroit de
Gibraltar, en l’an V du calendrier révolutionnaire (c’est-à-dire du 22
septembre 1796 au 21 septembre 1797), leur nombre est tombé à vingt-sept alors
qu’il était de plus de trois cents en 1792 44 .
La ville est par ailleurs dans un état constant de troubles politiques... Comme
Lyon, elle a successivement connu la terreur jacobine, la Contre-Révolution et,
pour finir, l’occupation par les armées de la Convention. Comme Lyon, elle a
été débaptisée par le gouvernement : pendant quelques mois, on la désigne dans
la correspondance des autorités révolutionnaires comme « la ville sans nom ».
Ensuite, après Thermidor est venu le temps des représailles. A Marseille, elles
ont pris la forme d’une Terreur blanche : les Jacobins notoires sont tués dans
la rue ou massacrés dans les prisons par des bandes armées qui se nomment les «
Compagnons du Soleil » et les « Compagnons de Jéhu ». Le Directoire ne ménage
pas ses efforts pour mettre fin à la vague de violence. La ville est déclarée
en état de siège ; des pouvoirs dictatoriaux sont donnés aux gouverneurs
militaires et aux commissaires qui se succèdent. On parvient à rétablir un
semblant d’ordre. Toutefois, pendant toute la fin des années 1790, les collines
de l’arrière-pays sont tenues, non par le gouvernement, mais par des bandes de
déserteurs, d’agents de la Contre-Terreur et de criminels qui, presque à leur
guise, pillent les convois de vivres, attaquent les diligences et dévalisent
les voyageurs 45 .
S’il y a une période de la vie de Fourier sur laquelle le
biographe aimerait en savoir plus, ce sont bien les deux années passées à
Marseille. Quel que fût le motif qui l’y a fait venir, ce qu’il a connu dans
cet « atelier des révolutions et arsenal de l’anarchie » doit avoir exercé une
influence vitale sur sa pensée. Hélas, on n’a sur ce chapitre que peu
d’archives. On sait qu’en mai 1797 le « citoyen Fourrier » habite une chambre
meublée à l’hôtel des Turcs, place de la Liberté 46 . Un an plus tard, lorsque la flotte française, sous le
commandement du jeune Bonaparte, âgé de vingt-neuf ans, lève l’ancre de Toulon
et Marseille pour l’expédition d’Egypte, Fourier assiste aux préparatifs du
voyage. Il évoquera par la suite sur le mode sarcastique l’admiration ébaubie
et « stérile » de la foule à l’égard des savants de l’Expédition :
J’ai vu à Marseille tous ces savants d’Egypte considérés
comme une ménagerie de bêtes fauves. Ils marchaient d’ordinaire en compagnie et
la populace les poursuivait en criant, sans malice : « Des Savanes, des
Savanes ! », comme on crierait « Des Ours, des ours ! » Je les ai vus entrer
dans le café Casati sur la place Necker. Le public se juchait autour d’eux sur
des escabeaux pour les voir prendre leur café ; et au sortir de là, chacun de
s’écrier : « J’ai vu les Savanes » et l’on était stupéfait de ce que les
Savanes prenaient leur café comme d’autres hommes et qu’ils buvaient avant
d’avaler 47 .
Pendant tout son séjour à Marseille, Fourier reste apparemment
en contact avec la Maison Bousquet à Lyon. Il est également en relations
d’affaires avec un certain Frédéric Fournier, de Lyon, qui semble
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