Hamilcar, Le lion des sables
que votre messager vienne nous apporter la nouvelle de votre
victoire pour offrir un sacrifice solennel à Baal Hammon.
Lorsqu’il
apprit que son ancien élève avait reçu l’ordre de gagner Panormos, Épicide vint
le trouver :
— Tu
sais, Hamilcar, que je te suis dévoué et fidèle. Aussi ne prends pas mal la
supplique que je vais te présenter. M’autorises-tu à rester à Carthage et à ne
pas t’accompagner pour ce voyage ?
— Pourquoi ?
— Tu
le sais, j’ai grandi à Panormos où j’ai servi comme esclave dans l’une des plus
riches familles de la ville. Revoir cette dernière serait au-dessus de mes
forces.
— Es-tu
sûr de me dire toute la vérité ?
— Ce
que je te dis est vrai et, si tu daignes m’accorder ta confiance, tu n’as pas
besoin d’en savoir plus.
— Je
respecte tes scrupules. Te connaissant, ils ne peuvent être que nobles. Je te
retrouverai à mon retour.
La flotte
carthaginoise cingla vers Panormos dont l’immense baie en forme de conque
constituait un lieu de mouillage idéal. Avec Juba, Hamilcar fut logé chez
Alcaïos, l’un des citoyens les influents de la cité. Veuf et sans enfants, il
mit à la disposition de ses deux hôtes la plus grande partie de sa maison et
leur rendit visite pour s’assurer qu’ils ne manquaient de rien :
— Hamilcar,
je regrette d’avoir à t’offrir l’hospitalité d’un vieil homme. Tu aurais été
mieux logé chez d’autres de mes compatriotes.
— Alcaïos,
nous sommes heureux d’être chez toi et je tiens à te remercier de tes multiples
attentions.
— D’où
tiens-tu ta parfaite connaissance du grec ? Tu t’exprimes dans cette
langue comme l’un d’entre nous.
— Je
l’ai apprise de mon précepteur, un homme originaire d’ici. Il m’a dit qu’il
était né à Panormos, de condition servile, et qu’il avait été éduqué dans une
famille riche pour devenir le précepteur des enfants de son maître. Fait prisonnier
par les Carthaginois durant une guerre, il fut vendu à mon père. C’est à lui
que je dois tout ce que je sais.
— Une
question me brûle les lèvres : ne s’appelait-il pas Épicide ?
— Comment
le sais-tu ?
— Parce
qu’il était effectivement mon esclave. J’ignorais qu’il avait été pris par les
Carthaginois. Sache en tout cas qu’il n’était pas prisonnier de guerre. Il
s’est enfui de chez nous parce que j’avais donné l’ordre de le faire fouetter.
— Pour
quelle raison ?
— Il
avait emmené en promenade mon fils unique sur les collines dominant la ville.
Ayant perdu leur chemin, les deux en furent quittes pour passer une nuit à la
belle étoile. Mon fils s’en amusa beaucoup. C’était un jeu pour lui. Ma femme,
par contre, entra dans une violente colère et exigea de moi que je fasse
châtier de manière exemplaire Épicide. Il fut enfermé dans l’ergastule et,
quand on vint le chercher pour la punition, il avait disparu. Son départ m’a
beaucoup chagriné. C’était un excellent précepteur et je constate que tu as
bien profité de ses leçons.
— Je
comprends mieux.
— Tu
comprends mieux quoi ?
— Certaines
choses dont je reparlerai avec lui à Carthage. Si tu le souhaites, je suis prêt
à te dédommager pour sa fuite. Je ne voudrais pas avoir à te le livrer, comme
tu serais en droit de l’exiger.
— Ne
te fais aucun souci. Ma femme et mon fils sont morts. A mon âge, je n’ai plus
besoin de maître de grec. À quoi me serait-il utile ? J’ai plus d’esclaves
qu’il n’en faut pour entretenir cette maison et, quand viendra l’heure de ma
mort, j’entends les affranchir.
— Les
affranchir ?
— Oui,
leur accorder la liberté. Je te l’ai dit, je n’ai plus d’héritiers et je
léguerai mes biens à ma cité, à l’exception de mes serviteurs. Je ne veux pas
qu’ils soient envoyés dans les mines ou vendus à l’encan. Ce serait mal
récompenser leur loyauté à mon égard.
— Tu
es un curieux personnage, Alcaïos, et je suis heureux d’avoir eu le privilège
de te rencontrer.
Quelques
semaines après son arrivée à Panormos, Hannibal le prudent apprit qu’une flotte
romaine, construite en trois mois, composée de dix-sept navires et commandée
par le consul Cnœus Cornélius Scipion se dirigeait vers Lipara. C’était le port
principal des îles Lipari, situées à l’extrémité nord de la Sicile. Il donna
immédiatement l’ordre à Boôdès et à Hamilcar de se porter à la
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