Histoire de la décadence et de la chute de l’Empire romain
temps qu’un traité
ignominieux avec Rome les forçait de céder le pays situé en deçà du mont
Taurus, ils furent chassés des provinces de la Haute Asie par les Parthes,
peuplade obscure, venue originairement de la Scythie. Ces nouveaux conquérants
avaient formé un empire qui s’étendait de l’Inde aux frontières de la Syrie.
Leur puissance formidable fut renversée par Ardshir ou Artaxerxés, fondateur
d’une nouvelle dynastie, qui, sous le nom des Sassanides, gouverna la Perse
jusqu’à l’invasion des Arabes [631] .
Cette grande révolution, dont les Romains éprouvèrent bientôt la fatale
influence, arriva la quatrième année du règne d’Alexandre Sévère, deux cent
vingt-six ans après la naissance de Jésus-Christ [632] .
Artaxerxés avait acquis une grande réputation dans les armées
d’Artaban, dernier roi des Parthes. Il parait que ses services ne furent payés
que d’ingratitude, récompense ordinaire d’un mérite supérieur, et que, banni
d’abord de la cour d’Artaban, il fut ensuite forcé de lever l’étendard de la
révolte. Son origine est a peine connue, et l’obscurité de sa naissance a donné
lieu également à la malignité de ses ennemis et à la flatterie de ses
partisans. Les uns prétendent qu’il était le fruit illégitime du commerce d’un
soldat avec la femme d’un tanneur [633] .
Selon le rapport des autres, il descendait des anciens rois de Perse, quoique
le temps et la fortune eussent insensiblement réduit ses ancêtres au rang de
simples citoyens [634] .
Artaxerxés s’empressa d’adopter cette dernière opinion. Comme héritier légitime
de la monarchie, il résolut de faire saloir les droits qui l’appelaient. au
trône ; et, rempli d’une noble ardeur, il forma le projet de délivrer les
Perses de l’oppression sous laquelle ils avaient gémi plus de cinq siècles
depuis la mort de Darius. Les Parthes furent vaincus ; trois grandes
batailles décidèrent de leur sort. Dans la dernière, le roi Artaban perdit la
vie, et le courage de la nation fut pour jamais anéanti [635] . Après une
victoire si décisive, Artaxerxés fit reconnaître solennellement son autorité
dans une assemblée tenue à Balk, ville du Khorasan. Deux jeunes princes de la
maison des Arsacides restèrent confondus parmi les satrapes prosternés autour
du vainqueur. Un troisième, plus animé par le sentiment de son ancienne
grandeur que par celui d’une nécessité présente, voulut se réfugier, avec une
suite nombreuse, à la cour de son parent le roi d’Arménie. Cette troupe de
fuyards fut surprise et arrêtée par la vigilance des Perses. Ainsi le vainqueur [636] ceignit
fièrement le double diadème, et prit, à l’exemple de son prédécesseur, le
surnom de roi des rois. Loin de se laisser éblouir par l’éclat du trône, le
nouveau monarque s’occupa des moyens de justifier le choix de sa nation. Tous
les titres pompeux qu’il avait rassemblés sur sa tête ne servirent qu’à lui
inspirer la noble ambition de rétablir la religion et l’empire de Cyrus, et de
rendre à sa patrie son ancienne splendeur.
Durant le long esclavage de la Perse sous le joug des
Macédoniens et des Parthes, les nations de l’Europe, et de l’Asie avaient réciproquement
adopté et corrompu les idées que la superstition avait créées dans ces deux
parties du monde. A la vérité, les Arsacides avaient embrassé la religion des
mages ; mais ils en avaient altéré la pureté par un mélange de diverses
idolâtries étrangères. Quoique sous leur règne on révérât dans tout l’Orient la
mémoire de Zoroastre, l’ancien prophète et le premier philosophe des Perses [637] , le langage
mystérieux et vieilli dans lequel citait écrit le Zend-Avesta [638] , devenait une
source perpétuelle de discussions. On vit s’élever soixante-dix sectes : toutes
expliquaient différemment les dogmes fondamentaux de leur religion ; et
toutes étaient en butte aux traits satiriques des infidèles, qui rejetaient la
mission et les miracles, du prophète. Plein de respect pour le culte de ses
ancêtres, Artaxerxés entreprit d’abattre l’idolâtrie, de terminer les schismes,
de confondre l’incrédulité, par la décision infaillible d’un conseil général.
Dans cette vue, il convoqua les mages de toutes les parties de sa domination.
Ces prêtres, qui avaient langui si longtemps dans le mépris et dans
l’obscurité, obéirent avec transport. À la voix du souverain, ils
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