Histoire de la décadence et de la chute de l’Empire romain
avec les vertus chrétiennes les mieux adaptées au caractère
d’un saint et d’un martyr [1472] .
Les mêmes causes, qui avaient d’abord détruit l’égalité
entre les prêtres, introduisirent parmi les évêques une prééminence de rang, et
de là une supériorité de juridiction. Toutes les fois que, dans le printemps et
dans l’automne, ils se trouvaient rassemblés au synode provincial, la
différence de réputation et de mérite personnel se faisait sensiblement
remarquer parmi les membres du concile. L’éloquence et la sagesse d’un petit
nombre, gouvernaient alors toute la multitude ; mais l’ordre des
délibérations demandait une distinction plus régulière et moins odieuse à
l’amour propre. L’office du président perpétuel dans le concile de chaque
province fut conféré aux évêques de la principale ville ; et ces prélats
ambitieux, décorés des titres brillants de primats et de métropolitains, se
préparèrent secrètement à usurper sur les autres évêques la même autorité que
ceux-ci venaient d’enlever au collège des prêtres [1473] . Les métropolitains
eux-mêmes se disputèrent bientôt la supériorité du rang et du pouvoir. Chacun
d’eux affectait de déployer, dans les termes les plus pompeux, les avantages et
les honneurs temporels de la ville à laquelle il présidait, le nombre et
l’opulence des chrétiens soumis à ses soins paternels, les saints et les
martyrs qui s’étaient élevés parmi eux ; et, remontant jusqu’à l’apôtre ou
au disciple qui avait fondé son Église, il insistait sur la pureté avec
laquelle la tradition de la foi, transmise par une suite, non interrompue
d’évêques orthodoxes, avait été conservée dans son sein [1474] . Toutes les
raisons de supériorité, soit civile, soit ecclésiastique, faisaient
naturellement prévoir, que Rome devait s’attirer le respect des provinces, et
qu’elle exigerait bientôt leur obéissance. La société des fidèles dans cette
ville était proportionné à la capitale de l’empire. Son Église était la plus
grande, la plus nombreuse, et, par rapport à l’Occident, la plus ancienne de
tous les établissements chrétiens dont la plupart avaient été formés par les
travaux religieux des missionnaires de Rome. Les plus hautes prétentions
d’Antioche, d’Ephèse ou de Corinthe, se bornaient à reconnaître un seul apôtre
pour fondateur. Rome seule prétendait que les rives du Tibre avaient reçu un
nouvel éclat par la prédication et par le martyre des deux plus grands apôtres [1475] . Son évêque
avait soin de réclamer l’héritage de toutes les prérogatives que l’on
attribuait à la personne ou à la dignité de saint Pierre [1476] . Les prélats de
l’Italie et des provinces consentaient à lui accorder une primatie d’ordre et
d’association (c’était avec cette précaution qu’ils s’exprimaient) dans
l’aristocratie chrétienne [1477] .
Mais le pouvoir d’un monarque fut rejeté avec horreur, et le génie entreprenant
de Rome, qui voulait soumettre toute la terre à sa puissance spirituelle
éprouva en Afrique et en Asie une résistance que, dans des siècles plus
reculés, leurs habitants n’avaient point opposée à sa domination temporelle.
Saint Cyprien, qui gouvernait avec autorité la plus absolue l’Église de
Carthage et les synodes provinciaux, s’éleva avec vigueur et avec succès contre
l’ambition du pontife romain. Ce zélé patriote eut l’art de lier sa propre
cause à celle des évêques d’Orient ; et, comme Annibal, il chercha de nouveaux
alliés dans le cœur de l’Asie [1478] .
Si cette guerre punique fut soutenue sans aucune effusion de sang, ce fut bien
moins l’effet de la modération que de la faiblesse des prélats rivaux. Les
invectives, les excommunications, étaient leurs seules armes, et, durant tout
le cours de cette controverse, ils les lancèrent les uns contre les autres avec
une fureur égale et avec une égale dévotion. La dure nécessité de condamner la
mémoire d’un pape, ou celle d’un saint ou d’un martyr, embarrasse aujourd’hui les
catholiques, lorsqu’ils sont obligés de rapporter les particularités d’une
dispute dans laquelle les défenseurs de la religion se laissèrent entraîner par
ces passions qui se montreraient plus convenablement dans les camps ou dans le
sénat [1479] .
Les progrès de l’autorité ecclésiastique donnèrent naissance
à cette distinction remarquable de laïques
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