Histoire de la décadence et de la chute de l’Empire romain
croire aussi que la
plupart des enfants exposés au moment de leur naissance, selon la pratique
inhumaine de ces temps, furent souvent sauvés, baptisés, élevés et entretenus
par la piété des chrétiens et aux dépens du trésor public [1497] .
II . Toute société a le droit incontestable d’exclure
de sa communion et de ne plus admettre à la participation de ses avantages,
ceux de ses membres qui rejettent ou qui violent les règlements établis d’un
consentement général. En exerçant ce pouvoir, l’Église chrétienne dirigea
principalement ses censures contre les pécheurs scandaleux, et surtout, contre
les personnes coupables de meurtre, de fraude et d’incontinence ; contre les
auteurs ou les sectateurs de quelque opinion hérétique condamnée par le
jugement de l’ordre épiscopal,, et contre ces infortunés qui, de leur propre
mouvement, ou cédant à la force, s’étaient souillés après leur baptême, par
quelque acte de culte rendu aux idoles. L’excommunication influait sur le
temporel aussi bien que sur le spirituel. Le chrétien qui l’avait encourue
était privé de toute portion dans la distribution des offrandes. Il voyait se
briser tous les liens de l’amitié religieuse et particulière. Les personnes
qu’il estimait le plus, et dont il avait été le plus tendrement aimé ne
l’envisageaient qu’avec horreur, comme un être souillé ; et son exclusion d’une
société respectable, en imprimant à sa réputation une espèce de flétrissure, le
désignait à tout le genre humain comme un objet d’aversion et de méfiance.
Quelque triste, quelque pénible que la situation de ces malheureux exilés pût
être en elle-même, leurs appréhensions, comme il est assez ordinaire,
surpassaient de bien loin leurs souffrances. Les avantages de la communion chrétienne
étaient ceux de la vie éternelle ; et les excommuniés ne pouvaient effacer
de leur esprit l’idée terrible que ces gouvernements ecclésiastiques, qui
avaient prononcé leur sentence de condamnation, avaient reçu des mains de la
Divinité les clefs de l’enfer et du paradis. Les hérétiques, soutenus peut-être
par la conscience de leurs intentions et par l’espérance flatteuse qu’ils
avaient seuls découvert le véritable chemin du salut, s’efforçaient, il est
vrai, de recouvrer dans leurs assemblées séparées ces avantages spirituels et
temporels qu’ils ne retiraient plus de la grande société des chrétiens ; mais
tous ceux qui n’avaient succombé qu’avec peine sous les efforts du vice ou de
l’idolâtrie, sentaient l’état d’abaissement où ils étaient tombés ; et,
tremblant sur leur sort, ils désiraient être rendus à la communion des fidèles.
Quant au traitement qu’il fallait infliger à ces pénitents,
deux sentiments opposés, l’un de justice l’autre de compassion, divisèrent la
primitive Église. Les casuistes les plus rigides et les plus inflexibles leur
refusaient à jamais, et sans exception, la dernière même des places dans la
communauté sainte, qu’ils avaient déshonorée ou abandonnée ; et, les
livrant aux remords d’une conscience coupable, ils ne leur laissaient qu’un
faible rayon d’espoir, en leur insinuant que leur contrition pendant leur vie
et au moment de leur mort pourrait être acceptée par l’Être suprême [1498] . Mais la partie
la plus saine et la plus respectable de l’Église chrétienne [1499] adopta une
opinion plus douce dans la théorie aussi bien que dans la pratique. Les portes
de la réconciliation et du ciel furent rarement fermées au pécheur touché de ce
repentir ; on institua seulement une forme sévère et solennelle de
discipline destinée à expier son crime, et dont l’appareil imposant devait en
même temps empêcher les spectateurs d’imiter son exemple. Humilié par une
confession publique, macéré par les jeunes, couvert d’un sac, le pénitent se
tenait prosterné à l’entrée de l’assemblée. Là, il implorait les larmes aux
yeux, le pardon de ses offenses, et sollicitait les prières des fidèles [1500] : si la faute
était très grave, des années entières de pénitence ne paraissaient pas une
satisfaction proportionnée à la justice divine. Le pécheur, l’hérétique ou
l’apostat, n’étaient admis de nouveau dans le sein de l’Église qu’après avoir
passé par des épreuves lentes et pénible. On réservait cependant la sentence
d’excommunication perpétuelle pour les crimes
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